Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/400

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’affaires au sortir de son bureau et où l’argent, gagné dans la journée, brûle le soir de trébucher aux lumières. L’obligation de se lever dès cinq heures du matin rend ses boursiers aussi sobres que des Turcs. Jusqu’à ce que le lourd Danube se hérisse de glaçons, les clubs se taisent et les brelans chôment. L’hiver, la société y festoie, surtout les Grecs qui sont plus joueurs que Pallas, dame de pique. La plupart des jeunes Israélites voyagent : les autres, comme les Mendl, d’origine portugaise, sont renommés pour leur générosité dépensière.

Mais, dans la saison du blé, les gens ne connaissent pas de meilleure distraction que de prendre, vers le soir, le petit tramway, naguère allemand, aujourd’hui belge, qui les conduit au Lac Salé. On traverse de beaux jardins, presque toujours déserts, — où les Roumains ont érigé une pyramide commémorative au général russe Kisselef, — et, plus loin, une plaine embaumée de l’odeur des pins et des eucalyptus. C’est l’ancien ministre, M. Carp, qui les planta ; et l’on ne passe point entre leurs sombres rangées sans bénir la politique humanitaire et agricole de M. Carp, assembleur de nuées et donneur de pluies. Un petit marais sulfureux de sel et d’iode brillant dans la nuit pâle ; des parcs, des hôtels, une de ces jolies stations thermales qui, depuis vingt ans, ont éclos sur la prospérité roumaine ; un souper aux lanternes ; et, quand on rentre à Braïla, toute la ville est endormie, sauf les employés de la gare qui attendent les sacs de blé.

ii. — en traversant galatz

De Braïla nous descendons en vapeur à Galatz, et nous avons atterri à ce port militaire et commercial au milieu d’une flottille de voiliers et de caïques. Galatz est une vieille ville sur le retour. Le commerce des céréales la quitte, attiré par la jeunesse de Braïla. Les chênes d’Olténie et les sapins moldaves qui s’y embarquent, vendus depuis longtemps, ne font que la traverser. En revanche, l’importation y paraît considérable. Cette ville d’âge reçoit plus qu’elle ne donne, et, conséquemment, c’est une ville administrative avec préfecture, archevêché, hôpital militaire, et imposante prison dressée au bord d’un petit lac, en face de la frontière russe. La Commission du Danube, les Sociétés de Navigation allemande, autrichienne, russe et bulgare, y résident. On y respecte la hiérarchie. Les jardins pu-