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Haut-Rhin, respectés pour les souffrances mêmes que leur infligeaient les États de Bade et de Wurtemberg, semblaient voués provisoirement au protectorat de l’épiscopat prussien, qui invoquait en leur faveur une démarche de Pie IX ; et c’était en Prusse, désormais, dix ans seulement après la captivité de Droste-Vischering, que se dressait, en toute indépendance, la cime de l’Eglise d’Allemagne.


VIII

Car soixante années de joséphisme avaient fait de l’épiscopat autrichien une sorte de corps sans âme. En Prusse, en Bavière, en Bade, les évêques s’étaient réveillés avant la Révolution, mais la Révolution même tira malaisément les évêques d’Autriche de leur assoupissement. La « monarchie apostolique, » malgré le zèle qu’avaient déployé le bienheureux Hoffbauer et quelques-uns de ses disciples, était devenue une sorte de cimetière spirituel. Metternich, bienveillant pour l’Eglise, avait laissé tomber en désuétude tout ce qui, dans la législation de Joseph II, pouvait donner lieu à des conflits : « Ce qu’il y a de dangereux dans le joséphisme, écrivait-il en 1838, est formellement banni ; ce qu’il y a de réellement pratique est maintenu. » Et il ajoutait, non sans une nuance de fierté :


Entre Rome et Vienne, depuis longtemps, il n’y a plus périls de dissentiment ; là où l’on pourrait croire le contraire, on est trompé par l’apparence, qui peu à peu disparaîtra ; et si cette disparition n’est pas plus rapide, ce n’est que la conséquence de notre conviction, que le champ ecclésiastique est précisément celui qui doit être touché avec le plus de légèreté, de crainte d’occasionner un mouvement dans les esprits.


Tous les mots ici sont à méditer ; ils marquent l’essence de cette paix religieuse qui sévissait en Autriche. Elle était oppressée, étouffante, exclusive de toute vie.

Metternich sentait ce qu’elle avait de factice, et l’étrange gaucherie de la politique autrichienne, qui secrètement, en vertu des traditions joséphistes, chicanait l’action de l’Eglise, et qui publiquement luttait contre la Révolution. Son rapport de mars 1844 à l’empereur Ferdinand concluait à la suppression de toutes les entraves joséphistes, à la réforme de la législation du mariage, au rétablissement de la libre correspondance des