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subites éclosions de puissances morales qui prenaient conscience d’elles-mêmes, qui n’étaient ni prévues par le droit constitutionnel ni accréditées par les précédens de l’histoire, et qui, émergeant de l’anarchie contemporaine comme du chaos émergea la création, se préparaient à régner sur l’avenir.

L’assemblée de Mayence, sur le conseil de Lennig, s’abstint d’émettre des thèses sur les rapports que devaient avoir les associations catholiques avec la représentation populaire et avec les gouvernemens ; scrupuleusement, elle évitait tout ce qui pourrait donner à ces associations l’aspect ou l’allure d’un parti : de même qu’à Francfort les députés catholiques conservaient en toutes questions leur indépendance, ne se concertaient que pour la défense des intérêts religieux, et ne se montraient nullement désireux de fonder, à proprement parler, une fraction catholique, de même l’assemblée de Mayence voulait s’élever au-dessus des querelles politiques.

Elle protestait contre la décision « très équivoque » prise à Francfort au sujet de l’État et de l’Église, contre les conclusions « pernicieuses » votées à Francfort au sujet de l’Église et de l’école, contre les propositions antireligieuses de certains députés, contre l’expulsion « des Jésuites, des Rédemptoristes et des Liguoriens ; » mais là s’arrêtait son action politique, et l’assemblée stipulait, en termes formels, que les associations catholiques, comme telles, n’étaient hostiles à aucune forme de gouvernement.

Elle aimait mieux tourner ses regards vers le peuple que vers le parlement : c’est là qu’elle sentait sa force, c’est là qu’elle mettait sa gloire. La question sociale, à Mayence, fut solennellement inscrite à l’ordre du jour. « Elle est la grande tâche du temps présent, » disait Lingens, d’Aix-la-Chapelle, le même qui vingt-trois ans après, dans une Allemagne, hélas ! agrandie, exaltera de ce même enseignement un de nos officiers captifs, le comte Albert de Mun. « La question sociale est la question la plus difficile, reprenait le curé Ketteler. On verra bientôt que l’Eglise en a la solution. » Un pasteur évangélique, à Francfort, ayant, au nom de sa confession, exprimé de semblables pensées, Ketteler poursuivait : « La lutte entre la foi protestante et la foi catholique sur le terrain du dogme s’assoupira ; elle naîtra sur le terrain des questions sociales. » Le discours se terminait par l’évocation de saint Thomas d’Aquin : il semblait que le verbe