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La logique toute pure et toute crue du doctrinarisme suffisait en 1830 pour dérouler les « Trois Glorieuses : » elles succédaient, comme une pénalité normale, à ce délit qu’avait été la violation de la Charte ; elles avaient quelque chose de rationnel, de sage en leur turbulence, de bourgeois en leur exaltation ; et par le caractère de nécessité palpable et presque démontrable qu’affectèrent les péripéties du drame, ce fut, à proprement parler, la dernière des tragédies classiques. Dix-huit ans plus tard, le dénouement en était bafoué par un peuple brusquement soulevé, et subitement souverain.

1848, au contraire, secoua la vieille Europe d’une secousse qui dure encore, et qui probablement est sans fin. Ni à Paris ni à Carlsruhe, ni à Vienne ni à Berlin, vous n’apercevez, cette année-là, un épisode provocateur, tel que l’avait été le coup de canif donné dans la Charte : d’un bout à l’autre de l’Europe, la révolution eut ses raisons, sourdement profondes, lointainement occultes, que la raison des spectateurs ne connut point. La révolution de 1830, croisant les baïonnettes pour les abstractions constitutionnelles, avait été une sorte de post-scriptum à cette tragi-comédie du rationalisme politique qui s’appelle la Révolution française ; les insurrections de 1848, avec leur caractère plus social, avec leurs visées plus concrètes, furent partout une œuvre d’instinct ; et franchement, sincèrement, quelque chose de l’âme populaire y vibra.

Habitués par le romantisme à vivre en un certain contact avec l’âme populaire, et dressés par une longue expérience à détester l’étroitesse des bureaucraties d’Etat, les catholiques d’Allemagne, sans ambages, se saisirent des nouveautés politiques que leur apportait l’année 1848, et tâchèrent d’exploiter, pour l’avantage de leur Eglise, les libertés et les droits que la révolution leur procurait. Nous assisterons, au cours de cette étude, à une sorte de travail d’adaptation entre le catholicisme allemand et les circonstances révolutionnaires : travail si prudemment et si adroitement combiné, que lorsqu’en 1849 et 1850 une réaction se dessinera, en Allemagne, contre les aspirations et les conquêtes de 1848, le catholicisme seul continuera d’en garder le bénéfice.

Le livre publié par Buss en 1847 et intitulé : La communauté des droits et des intérêts du catholicisme en France et en Allemagne, dénote l’état d’esprit des catholiques au début de la crise.