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nière tellement inextricable qu’il est impossible de distinguer le rôle spécial de chacun d’eux.

Pour analyser et étudier à part le psychisme inférieur, il faut prendre des états, soit physiologiques soit pathologiques, dans lesquels les deux ordres de centres psychiques se dissocient, se désagrègent, l’un se reposant pendant que l’autre travaille ou les deux étant simultanément occupés à des choses disparates et différentes.

Nous venons de mentionner trois de ces états de désagrégation des psychismes : le somnambulisme, le sommeil, la distraction. Il y en a d’autres qu’il faut connaître pour comprendre l’étendue et l’importance de la question.


C’est d’abord l’hypnose, c’est-à-dire le sommeil provoqué dans lequel est plongé le sujet qu’on a hypnotisé, par la fixation du regard ou de toute autre manière.

Dans cet état, les centres supérieurs de l’hypnotisé dorment, n’exercent plus leur action régulière sur les centres psychiques inférieurs. Ceux-ci sont dans un état spécial de malléabilité et d’impressionnabilité qui leur fait accepter toutes les directions de l’hypnotiseur. C’est l’état de suggestibilité, dans lequel l’hypnotiseur fera éprouver au sujet les sensations qu’il veut et exécuter les actes qu’il veut.

« Voici une orange délicieuse, mangez-la, » dit l’hypnotiseur en tendant un affreux citron, et le sujet mord à pleines dents dans le citron et éprouve le goût de la mandarine. On supprime à l’hypnotisé certaines sensations, en ne lui laissant percevoir qu’un petit nombre d’autres ; on lui crée une sensibilité élective comme celle du somnambule. Immédiatement ou un certain temps après, on lui fait plonger un couteau à papier dans la poitrine d’un individu désigné, on l’oblige à voler une montre ou à exécuter tel acte indélicat qui répugne à ses principes et à ses habitudes. On peut même influencer des fonctions normalement soustraites à l’action de la volonté : on purge par suggestion.

Tout cela, le sujet le fait avec son seul psychisme inférieur. Car le sujet hypnotisé est toujours un être dont l’activité psychique est réduite à celle de son psychisme inférieur. Et ce psychisme inférieur se laisse suggestionner par l’hypnotiseur comme celui du dormeur naturel se laisse diriger, dans le rêve, par un voisin éveillé.