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vote qui était devenu inévitable et fatal. Le gouvernement représenté par M. Berteaux dont les objurgations étaient vives et pressantes, la Commission représentée par M. de Freycinet dont la parole n’avait jamais été plus prestigieuse ni plus séduisante, ont eu aisément gain de cause dans une assemblée qui ne demandait qu’à être convaincue par eux. Les adversaires de la loi se sont trouvés réduits, au vote final, à une poignée de braves : nous craignons que l’avenir ne leur donne que trop raison.

Il s’est produit, aux derniers momens de la bataille, un incident qui a attiré l’attention, non seulement au Sénat, mais au dehors, et dont la presse s’est emparée. L’intervention de M. Casimir-Perier en a encore accru l’intérêt. Résolu à brûler jusqu’à la dernière cartouche, M. le général Billot a exprimé l’espérance que M. le Président de la République userait du droit que la Constitution lui donne de demander aux Chambres, par un message motivé, une nouvelle délibération de la loi. M. le président du Sénat a aussitôt fait remarquer à l’orateur que la personne du Président de la République ne devait jamais être introduite dans un débat parlementaire, à quoi M. le général Billot a répondu que la Constitution était formelle et qu’il ne faisait qu’en invoquer un article. Le droit du Président de la République est certain, en effet ; mais dans quelles conditions peut-il s’exercer ? C’est la question nouvelle qui n’a pas tardé à se poser, et comme on aime toujours en France les discussions constitutionnelles, ce qui ne veut pas dire qu’on en comprenne toujours très bien même les premiers élémens, elle a pris dans la presse une certaine ampleur.

Nous avons dit que M. Casimir-Perier y était intervenu. Dans une lettre au journal Le Temps, il a rappelé un principe incontestable, à savoir que « chacun des actes du Président de la République doit être contresigné par un ministre. » Un message motivé est un acte du Président de la République, et même un des plus importans : il doit donc se conformer à cette règle. Or dans le cas dont il s’agissait, c’est-à-dire dans l’hypothèse où s’était placé M. le général Billot, le ministre compétent, celui qui aurait dû mettre sa signature à côté de celle de M. Loubet, était M. Berteaux. Il suffit de le rappeler pour faire sentir tout ce qu’il y avait de décevant dans l’espérance exprimée par M. le général Billot. Quoi ! M. Berteaux, qui venait de défendre avec tant de chaleur la réduction du service militaire à deux ans, aurait contresigné un message demandant une nouvelle délibération ? Il aurait pu le faire, sans doute, par simple déférence à l’égard du Président de la République ; mais alors quelle