Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/234

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

granules sont plus petits. Le phénomène, d’ailleurs, n’a pas de signification vitale, car il se manifeste dans des liqueurs qui ont bouilli, dans des acides concentrés et dans des substances toxiques ; et il est indéfini en durée. M. Gouy, en 1894, a donné de ces phénomènes une explication savante et simple à la fois et parfaitement satisfaisante.

En général, les physiciens réservent le nom de suspensions véritables au cas où les poussières qui flottent dans le liquide sont relativement volumineuses, visibles au moins au microscope, c’est-à-dire de dimensions supérieures au demi-millième de millimètre. Dans le cas où les grains sont plus petits, c’est-à-dire ultra-microscopiques, le mélange prend le nom de solution colloïdale.

Une émulsion ou suspension d’une part et une solution colloïdale d’autre part ne diffèrent entre elles que par la visibilité ou l’invisibilité des granulations qui entrent dans leur composition. Les suspensions toutefois ne sont point stables. Les grains se rassemblent : ils s’agglutinent en amas ou flocons et tombent sur le fond du vase. On connaît les lois de cette chute ; les granulations les plus grosses tombent le plus vite. La vitesse de chute est proportionnelle au carré du diamètre. Elle est très faible et pratiquement nulle pour les très petites granulations, c’est-à-dire dans le cas des solutions colloïdales. De là la permanence apparente de ces fausses solutions opposée à la caducité des suspensions. Mais il n’y a là, comme on le voit, qu’une question de degré.

Le type le plus commun d’une solution colloïdale, c’est l’eau de savon. Le savon y est à l’état de granules hypermicroscopiques disséminés dans toute l’étendue du liquide. Cet état se maintient indéfiniment. Le savon n’a aucune tendance à se déposer. Au contraire, si on le met en morceau au fond du vase, la solution colloïdale se fait d’elle-même. Il en est de même pour l’encre de Chine. Le bâton mis dans l’eau dissémine ses granules et redonne de l’encre liquide.

L’étude des solutions colloïdales est à l’ordre du jour. Elle intéresse au plus haut degré les physiciens et les chimistes. Les biologistes, à leur tour, s’en préoccupent vivement. Presque tous les liquides organiques et la matière vivante elle-même sont à l’état colloïdal. Aussi peut-on attendre des progrès réalisés par la Physico-Chimie dans cette voie l’explication d’un grand nombre de phénomènes vitaux.


A. DASTRE.