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c’est un corps solide, figuré, un organisme ayant des dimensions finies qui lui permettent le passage de certains couloirs filtrans mais lui en interdisent d’autres plus étroits. — Et cet organisme est un être vivant, car injecté en très faibles proportions dans les veines d’un veau, il se multiplie au point de se rencontrer ensuite partout, dans la lymphe de cet animal. C’est un microbe, un microbe invisible, ultramicroscopique.

Ces déductions irréprochables de Loeffler et Frosch ont été confirmées par l’épreuve directe. L’hypermicroscope de Siedentopf et Zsigmondy a montré à l’œil le microbe de la fièvre aphteuse qui, jusque-là, n’avait qu’une existence logique.

Cette étude des deux bactériologistes allemands a eu un autre avantage. Elle a appelé, pour la première fois, l’attention sur la diversité de valeur des bougies filtrantes. On croyait jusqu’alors à la vertu absolue des filtres de porcelaine. On pensait qu’ils arrêtaient tous les microbes et qu’une eau, au sortir de la bougie, était parfaitement stérilisée. Il n’en est rien. À la vérité, la plupart des microbes banals et des bactéries pathogènes sont retenus par la paroi filtrante. Mais la stérilisation n’est pas absolue et les microbes ultra-microscopiques peuvent franchir l’obstacle. La précaution de filtrer l’eau est bonne, en hygiène pratique ; mais, rigoureusement parlant, son effet n’est pas certain.


On a vu que Pasteur, il y a près de vingt-cinq ans, avait eu la prescience qu’il existait des microbes pathogènes invisibles. Il pensait que le microbe de la rage appartenait à cette catégorie.

Il est devenu vraisemblable, aujourd’hui, — que la variole est dans le même cas, que c’est une maladie microbienne à microbe ultramicroscopique. On en a pour garante l’histoire de la clavelée du mouton. C’est là encore une affection épidémique redoutable qui sévit durement sur les troupeaux. Elle offre beaucoup de ressemblance avec la variole humaine, si bien qu’elle est parfois désignée par le nom de variole ovine. Or, la clavelée est une maladie à microbe invisible. L’analogie amènerait donc à croire que la variole humaine a le même caractère. — D’autres maladies épidémiques de l’homme qui ont jusqu’ici défié les efforts des bactériologistes et dont on n’est pas parvenu à reconnaître le micro-organisme spécifique, se ramèneront sans doute à la même catégorie dans un avenir plus ou moins prochain. Ce sera là un nouveau domaine ouvert à l’investigation hyper-microscopique.