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stérile comme un champ qui n’aurait pas été semé, qui n’aurait pas reçu de germe vivant. Pourtant, il n’est pas stérile ; et la sérosité et le sang ne le sont pas davantage. Quelques gouttes de ces liqueurs filtrées, limpides, si on les inocule à un animal sain, lui communiquent la maladie. Le semis a donc produit une récolte : l’agent morbide s’est répandu ; il s’est multiplié comme se multiplient les générations successives d’un être vivant.

On ne peut faire que deux suppositions, relativement à la nature de cet agent morbide ? La première alternative est que la liqueur filtrée qui le contient n’est limpide qu’en apparence, et qu’elle renferme réellement en suspension des germes qui, à raison de leur petitesse, traversent les filtres, et échappent à l’examen microscopique : ce sont des microbes invisibles, hypermicroscopiques. Cette supposition est la vraie, et nous allons voir qu’on peut donner de sa réalité des preuves convaincantes, dans le cas de la fièvre aphteuse et de la péripneumonie bovine. A défaut de cette hypothèse il faudrait admettre, comme seconde alternative, que le liquide infectieux est un liquide véritable qui doit sa virulence à une toxine. Mais si l’on soumet cette supposition au contrôle de l’expérience, en filtrant ce prétendu liquide sur des bougies de porcelaine de différens numéros, on constate que les bougies les plus serrées lui font perdre sa virulence, et qu’en conséquence celle-ci est due à des particules retenues par ces filtres fins.

L’épreuve de la filtration est, en effet, un moyen d’analyser les dimensions des microbes ou des corpuscules qui peuvent exister en suspension en petit nombre dans une liqueur d’apparence limpide. Les bactériologistes emploient à cet effet des filtres de deux marques, la marque Berkefeld et la marque Chamberland. Les fabricans en livrent aux laboratoires de divers degrés de finesse, et, pour ainsi dire, de diverses qualités au point de vue de la capacité filtrante. Telle bougie Berkefeld arrêtera des microbes volumineux comme le bacillus fluorescens et laissera passer des micro-organismes plus petits, tels que celui de la fièvre aphteuse. La bougie Chamberland de marque F livre passage au microbe de la péripneumonie bovine ; la bougie de marque B l’arrête. Celle-ci arrête également le microbe de la fièvre aphteuse, mais elle laisse passer, d’après M. Mac Fadyean, celui de la horse sickness.

Il y a donc des degrés dans la petitesse des microbes comme il y en a dans la finesse des bougies et dans leur puissance filtrante. Un bacille, comme celui de Schaudinn, qui mesure, en moyenne, quatre microns et demi, est un géant à côté du bacille de la grippe, trouvé