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chrétien, Mahmoud Yelvadj, un Transoxianais musulman, dirigèrent l’administration et surent merveilleusement adapter les rigueurs du Yassak au tempérament de chaque province. L’Empereur Inflexible recevait tous les rapports, prenait toutes les décisions graves. Une partie de sa chancellerie restait à Pékin (Khan-Balik, la ville du Khan), l’autre le suivait dans ses campagnes ; pour simplifier la correspondance, les bureaux empruntèrent aux Oïgour leur alphabet chrétien syriaque, qui ne fut remplacé par le chinois qu’au temps de Khoubilaï. Des courriers de cabinet[1] transmettaient la correspondance officielle. La poste fonctionnait régulièrement d’un bout à l’autre de l’empire ; il était interdit, sous les peines les plus sévères, d’arrêter ou de retarder le service. Le fonctionnaire en voyage, l’officier, le voyageur qui exhibait une « tablette de commandement » en or ou en argent, avait droit aux réquisitions, aux vivres, aux chevaux. Partout la sécurité régnait et avec elle se développait le trafic ; grâce au gendarme mongol, les marchands pouvaient venir des plus lointains pays, de Venise et jusque de l’Europe occidentale. Le Tchinghiz Khan se préoccupait de favoriser dans ses États l’industrie et le commerce ; il transplantait, d’une province à l’autre, des ouvriers d’art, important en Transoxiane les métiers chinois, attirant les étrangers. De cette époque date un véritable renouvellement de l’art chinois au contact des méthodes persanes et byzantines.

Ce même génie d’organisation et d’unification, l’Inflexible l’a porté dans la préparation du merveilleux instrument de ses conquêtes, l’armée. S’il n’a été ni un Napoléon, ni un Alexandre, il a été du moins son propre Louvois. A lui remonte la répartition des troupes mongoles et turques en régimens ou milliers, de mille hommes, divisés eux-mêmes en escadrons de cent hommes. Dix régimens constituaient une division. Les auxiliaires étaient groupés par corps de cinq mille hommes. Les contingens de chaque peuple étaient utilisés selon leurs aptitudes nationales : les Chinois servaient dans les arbalétriers à pied, les artilliers, les « armes savantes ; » les Toungouzes des bois, habitués à suivre la piste du gibier, servaient à l’avant-garde et battaient au loin l’estrade. Les Mongols et les Turcs combattaient par escadrons accouplés ou isolés, dans une formation très souple, très

  1. Nous avons le journal de l’un d’eux, le Chinois Tchang-Tchoun depuis avril 1220 jusqu’en mars 1223.