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le Turkestan, et la religion chrétienne, reléguée en Pe-Lou, dans les Marches chinoises, séparée du catholicisme grec et latin par l’écran des peuples musulmans, allait lentement s’étioler pour finalement disparaître, vers le XIVe siècle, écrasée entre les sectateurs de Mahomet et les adorateurs du Bouddha.

Rejetés au nord par la poussée arabe, les Turcs et les Mongols se font reîtres au service de la Perse, de la Chine où du Khalifat, et besognent si habilement qu’au XIIe siècle, des capitaines turcs, les Seldjoucides, sont les maîtres en Iran, avec un fantôme de khalife à Bagdad, pendant que d’autres Turcs, les Khitaï, sont les maîtres en Chine, avec un fantôme d’empereur à Pékin. Au moment où va paraître le Tchinghiz Khan, les diverses branches de la famille turco-mougole se partagent l’Asie depuis les frontières du pays de Roum jusqu’au golfe du Pe-tchi-li. Réunir toutes ces forces en un faisceau, soumettre à la même loi tous les fragmens épars de la race, ce sera l’œuvre de Témoudjine, le Tchinghiz Khan des Mongols.

Témoudjine naquit en 1162 ; son père Yésougueï était un petit chef qui, entre l’Orkhon et la Selenga, commandait à quelque 200 000 âmes ; il appartenait à la noble lignée mongole des Bordjiguène, qui s’attribuait une origine miraculeuse et dont les annalistes ont plus tard embelli la légende. Par sa mère, Témoudjine descendait d’une famille turque Oïgour, probablement chrétienne, et était parent des Seldjoucides. Quand Yésougueï mourut, son fils n’avait que treize ans ; bravement, la veuve rassembla les cliens de son mari ; au bord de la Kéroulène, près des sources de l’Orkhon, elle déploya l’étendard aux neuf queues blanches et invoqua le secours de son voisin, le roi des Turcs Kéraït chrétiens, avec qui Yésougueï avait « bu le serment. » Ces premières années de Témoudjine se consumèrent en des luttes obscures, avec des alternatives de succès et de revers, pendant lesquelles, plus d’une fois, il dut prendre le désert et battre l’estrade en cosaque ; ces épreuves achevèrent de tremper son caractère, de lui donner l’habitude de l’autorité et l’expérience des hommes ; autour de lui se forma un noyau de fidèles parmi lesquels il sut discerner les chefs qu’il allait lancer à la conquête du monde. En 1188, il remporte sa première grande victoire ; il a déjà, avec lui, 13 000 chevaux, sans compter les gens de pied et les valets ; bientôt il se sent de taille à s’attaquer à son ancien allié, le Ouang Khan, le « Prêtre Jean » des