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LE PÉRIL JAUNE
AU XIIIe SIÈCLE

Une puissance, née sur les bords de l’Onon et de la Kéroulène, en plein continent asiatique, loin de toute mer, et rapidement grandie jusqu’à toucher aux mers chinoises et à la Baltique, aux glaces de l’Océan polaire et aux ardeurs du golfe Persique ; un empire,

Qui plus grand que César, plus grand même que Rome,
Absorbe dans son sort le sort du genre humain ;

des armées, parties du fond de l’Asie Centrale, de la Mongolie et de la Sibérie, qui promènent leurs étendards toujours triomphans des bords du fleuve Bleu jusqu’aux rives du Danube ; des capitaines, les plus victorieux dont le monde ait jamais ouï parler ; une administration, dont les ordres, venus de Pékin ou de Karakoroum sont rigoureusement obéis depuis Moscou et Buda-Pesth jusqu’au Tonkin et à la Corée ; un commerce actif, qui, par des routes sûres, sous la protection de la loi et du gendarme mongol, unit l’Extrême-Orient asiatique avec l’Occident européen : voilà, vers le milieu du XIIIe siècle, le prodigieux spectacle qu’offre le monde, et c’est ce que, peut-être, on ne trouvera pas sans intérêt de rappeler au moment où, par la plus terrible des guerres, l’Extrême-Asie rentre en contact avec l’Europe.

Il ne s’agit point ici, bien entendu, de profiter de l’universelle émotion pour évoquer devant l’Europe troublée le fantôme de l’ogre mongol et, en décrivant les anciennes révolutions de l’Asie, de conclure à une menace imminente du « péril jaune. »