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Koerber a profité de cette circonstance avec beaucoup de présence d’esprit et d’habileté. Son gouvernement s’est prolongé plusieurs années sans encombre : il a été pour l’Autriche un temps de trêve relative et de repos. Malheureusement, les vacances dernières ne lui ont pas été favorables. Les incidens d’Innsbruck ont mis en présence, c’est-à-dire en conflit, les Allemands et les Italiens, et, bien que ce fût entre des murs universitaires qui auraient dû rester les temples sereins de la science, il en est résulté une grande excitation dans les esprits. Nous constatons avec regret que cette excitation, qui prend tantôt une forme et tantôt une autre, va plutôt en s’aggravant qu’en s’atténuant entre les Allemands d’Autriche et les Italiens. Les seconds sont exigeans, les premiers très impérieux, et, pour ce qui est de contenter en même temps les uns et les autres, c’est un problème à peu près impossible à résoudre. M. de Koerber s’y est employé en vain. Les Allemands lui ont gardé rancune des concessions qu’il avait faites ; les Italiens les ont jugées insuffisantes. De plus, il a remanié son ministère, de manière à donner aux Tchèques une satisfaction qui a eu le même sort. Bref il est tombé, et il a été remplacé par M. de Gautsch. M. le baron de Gautsch n’est pas un homme nouveau ; il a été déjà président du Conseil, mais si peu de temps qu’il n’a pu ni donner sa mesure, ni laisser de son passage aux affaires une trace appréciable. Toutefois, ses intentions ont paru favorables aux Tchèques, à en juger par l’attitude qu’il a prise dans la question des langues. Aussi se demandait-on comment les Allemands l’accueilleraient. La question reste encore en suspens. Cependant les débuts du ministère Gautsch n’ont rencontré jusqu’à présent, ni d’un côté, ni de l’autre, aucune hostilité irréductible, et, nous le répétons, la situation en Autriche est à peu près normale.

Mais non pas en Hongrie : il s’est même passé là des phénomènes sans précédens, qui ont jeté un grand trouble dans le présent, et qui sont de nature à susciter beaucoup d’inquiétudes pour l’avenir. Depuis de longues années, le gouvernement est à Pest entre les mains du parti libéral, qui avait sur l’opposition le double avantage de la majorité numérique et de l’homogénéité. Il a conservé l’homogénéité, mais il a perdu la majorité. Celle-ci appartient pour la première fois à une coalition formée d’élémens divers, où les libéraux dissidens occupent une place, mais une place restreinte : ils y ont quelque peu l’air d’être des otages. Comment en est-on venu là ? Il s’est produit en Hongrie, mais avec des symptômes plus accentués, ce qui s’est également produit en Autriche, et dans d’autres pays