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prendre tout à fait au sérieux. Il n’y eut jamais discussion plus insignifiante sur un sujet plus important. Dès les premiers mots, il a été évident que les socialistes n’avaient d’autre but que de rentrer en grâce auprès du cabinet, en ayant l’air de lui faire grâce eux-mêmes. Ç’a été d’ailleurs la journée des doublures, car, en dehors de M. Denys Cochin et de M. Gauthier (de Clagny), pas un seul des orateurs que la Chambre écoute habituellement avec intérêt n’a jugé à propos de se faire entendre. Nous avons déjà constaté le silence de M. Rouvier ; M. Jaurès s’est tu ; M. Briand n’a rien dit ; M. Ribot s’est contenté d’expliquer son vote ; M. Millerand a rappelé les retraites ouvrières qu’il voudrait discuter avant la séparation, et, s’il a voté le contraire, il a pris soin défaire remarquer, non sans ironie, que la Chambre était toujours maîtresse de son ordre du jour. Il n’y a donc rien de plus vain que ces manifestations. Si la Chambre veut réellement s’attacher au problème de la séparation aussitôt après le budget, elle n’a qu’à le faire quand le moment sera venu, mais à quoi bon le dire d’avance comme du haut d’un Sinaï ? À quoi bon charger expressément le ministère de « faire aboutir » un vote à tel ou à tel moment, alors que cela dépend de la Chambre elle-même, et d’elle seule ? Ne semble-t-elle pas, lorsqu’elle prend toutes ces précautions, se défier de sa propre persévérance ? Elle fait appel au ministère pour lui servir de guide et presque de maître. Elle demande à une volonté qu’elle croit plus forte de suppléer à l’insuffisance de la sienne, toutes choses qui sont si loin de ses habitudes qu’on en reste surpris. La séparation de l’Église et de l’État a-t-elle une chance de plus de se faire, depuis l’interpellation Morlot ? Personne assurément ne le croira, et on croirait plutôt le contraire si on se fiait aux seules apparences. Il est vrai que l’ordre du jour voté a rejeté sur le Vatican toute la responsabilité de la mesure. C’est, dit l’ordre du jour, l’attitude du Vatican qui l’a rendue inévitable. M. Ribot a fait remarquer avec raison, et aussi avec esprit, que la Chambre, en parlant de la sorte, avait l’air d’une personne embarrassée qui plaide pour elle les circonstances atténuantes. Il a ajouté que, si on entendait faire une grande réforme, il fallait y procéder au nom d’une doctrine et non pas en manière de représailles contre des torts contestables, et qui, dans tous les cas, ont été réciproques. Il s’est donc abstenu pour ne pas consacrer par son vote ce qu’il a très justement appelé un « mensonge historique ; » mais, en s’abstenant, il n’a pas entendu faire acte d’hostilité contre le cabinet, et il s’est réservé de prendre part à la discussion quand elle viendra. Il est sûr qu’elle viendra, mais il est sûr