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de Meaux en a recueilli plus d’un, — pour montrer ce qu’elle a été, ce qu’elle est aux Etats-Unis ; et je ne sais pas s’il est un nom français qui soit aussi souvent que le sien rappelé avec honneur dans les discours et les écrits des grands prélats américains. Je trouverais dans les Mémoires d’un député catholique au Parlement allemand, mort aujourd’hui, qui a eu son heure de célébrité, le docteur Reichensperger, de Cologne, des preuves aussi de ce que les parlementaires, les catholiques allemands, ont dû à son exemple et à son programme. Mais cela me conduirait trop loin. Pour se rendre compte de ce qui subsiste aujourd’hui de l’action exercée par Montalembert, il faut chercher dans quelle mesure s’est réalisé l’ensemble du programme pour lequel il a combattu. Or, ce programme, qu’on ne saurait sans erreur renfermer tout entier dans le vote de la loi sur la liberté de l’enseignement, a visé trois points principaux. Montalembert s’est proposé d’amener les catholiques de France à se placer définitivement sur le terrain de la liberté générale et à renoncer à tout privilège ; il a cherché à procurer au clergé, à côté de l’autorité qu’il devrait à la piété et aux bonnes mœurs, source première de l’efficacité de son apostolat, l’influence que peut lui assurer une instruction solide et une initiation sérieuse aux progrès scientifiques modernes. Il s’est appliqué enfin à étendre l’action des laïques pour les mettre à même de seconder plus efficacement l’Eglise.

On pouvait discuter en 1844 sur l’opportunité et la légitimité de l’intervention des laïques ; les polémiques ne firent pas défaut. Ce furent des évêques eux-mêmes qui pressèrent Montalembert d’agir et de créer un centre d’action laïque. Mais depuis lors cette intervention, quand elle conserve son caractère et ses limites, n’est même plus débattue ; elle se produit tous les jours sous toutes les formes, dans le domaine de l’école, des œuvres charitables, dans le domaine de la presse. Avec l’importance que les questions sociales ont prise, il n’en pouvait être autrement, et aujourd’hui surtout, que les associations, les sociétés légales jouent un si grand rôle, cette intervention est devenue indispensable. L’Eglise tire du concours de laïques éminens un profit d’autant plus précieux, une autorité d’autant plus grande, que la hiérarchie ecclésiastique ne se recrute plus à présent dans les hautes classes de la nation. Voilà un premier point du programme de Montalembert qu’on ne saurait donc taxer de chimérique.