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prépondérante, dans la constitution des Églises évangéliques. Obtenir pour les confessions religieuses le droit de se régir suivant leurs constitutions respectives, c’était ouvrir à l’une d’entre elles — l’ « ultramontanisme » — une longue suite d’espoirs ; et pour l’autre — l’évangélisme prussien — c’était, tout au contraire, ne rien obtenir. A des plantes de serre chaude, offre-t-on le grand air ? Le roi Frédéric-Guillaume III avait verrouillé en serre chaude la religion nationale. N’ayant pas inscrit parmi ses maximes la liberté de la puissance spirituelle, et possédant des statuts qui présupposaient au contraire l’absence de cette liberté, quel intérêt avait-elle à ce qu’un législateur empressé lui reconnût le droit de vivre conformément à ses statuts et de jouir de son autonomie native et normale ? D’autonomie, elle n’en avait jamais eu, elle n’en avait pas, normalement.

Les maximes nouvelles de droit commun soustrairaient effectivement à la tutelle extérieure de l’État l’Église catholique, née libre, mais seraient impuissantes à supprimer au cœur des Églises évangéliques, nées pupilles, la tutelle intérieure de ce même État. Ce n’était point à proprement parler par intolérance, mais par un certain désir d’égalité — d’égalité dans l’oppression — que les publicistes de l’évangélisme redoutaient l’affranchissement de l’Église romaine ; mais cette Église, elle, glorieusement victorieuse sur les bords du Rhin, tranquillement épanouie sur les bords de l’Isar, goûtait la joie suprême de pouvoir prendre une attitude hautement généreuse, et de ne se venger des oppressions d’antan qu’en réclamant pour l’autre Église chrétienne, aussi bien que pour elle-même, la proclamation d’une somptueuse libéralité : la liberté.


GEORGES GOYAU.