Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/914

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


VI

Dans une active veillée d’armes, prêtres et laïques se préparaient pour les mœurs politiques du lendemain. Mais au même moment, sous la double impulsion de la logique et de l’esprit d’aventure, certains ministres de l’Eglise rêvaient de faire circuler, à travers la vie intérieure, de la société religieuse, les souffles nouveaux qui bouleversaient la société civile. Puisque les Parlemens s’occupaient à l’avenir de la |situation légale de l’Eglise, pourquoi ne les ferait-on pas juges de certains projets de réforme ecclésiastique ? Et puisque, dans l’État prochain, le corps social allait prendre une voix, puisque c’était en bas, et non plus en haut, que se prépareraient les décisions d’où résulteraient les lois, et puisque enfin la discussion ouverte et publique devenait la règle du monde, pourquoi l’Eglise, elle aussi, n’accorderait-elle pas aux simples prêtres, même aux fidèles, une part de gouvernement ? Ainsi parlaient, surtout, un certain nombre d’ecclésiastiques mécontens ou dissolus, qui depuis un quart de siècle, par leurs écrits, leur propagande, leurs réunions, réclamaient l’abrogation du célibat sacerdotal et l’établissement d’une liturgie allemande.

La campagne contre le célibat s’était dessinée en Silésie et en Bade, avant 1830. En Silésie, Antoine Theiner, — de concert avec son frère Augustin, le futur jésuite, — avait, en 1828, publié un livre en faveur du mariage des prêtres : l’Etat prussien, même après ce livre, l’avait jugé digne de rester, dans la faculté de théologie, l’éducateur des clercs. En Bade, la même année, des laïques avaient pétitionné, réclamant de la Chambre des femmes pour les prêtres ; leur Mémoire justificatif, malgré la réfutation qu’en fit Moehler, trouva des ecclésiastiques pour colporteurs. A leur tour, les ecclésiastiques intervinrent, en 1831 : ils étaient 156, et 50 élèves du séminaire de Fribourg appuyèrent bruyamment cette pétition nouvelle. Les débats furent longs, parfois gais : l’un des orateurs se défendit de vouloir chercher dans le clergé catholique des maris pour ses nombreuses filles, et s’il appuyait les prêtres pétitionnaires, ce n’est pas qu’il les voulût pour gendres, mais parce qu’ils avaient raison ! La Chambre badoise se montra formellement hostile au célibat, et pria l’État d’envisager la convocation de synodes ecclésiastiques,