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est âpre aux humbles lecteurs de Stolz, comme l’existence leur est âpre ; mais âpre également, et d’autant plus, à ceux à qui l’existence est facile. Mammon est l’ennemi personnel de Stolz : la richesse, pour lui, c’est « de la sueur de travailleur cristallisée ; » et, dans ses voyages, il avait quelque scrupule à constater que la possession de quelques pièces d’argent, « chose morte et inféconde en soi, » lui permettait de s’approprier quelques-uns des produits d’un pays étranger, sans qu’il eût travaillé pour ce pays ! Lorsqu’on éprouve soi-même ces originales inquiétudes de conscience, on a quelque droit à faire souvent la grosse voix : Stolz dit leur fait aux « messieurs, » et tout de suite se sent plus à l’aise pour fustiger le « commun peuple. » Il y a du sang et il y a des muscles dans le catholicisme de Stolz, et rien d’anémié, rien d’énervé, rien d’affadi : toute cette foule badoise qui, depuis plusieurs générations, n’entendait que des prônes vaguement philosophiques ou mesquinement utilitaires, comprit, après lecture de quelques calendriers (et la collection se poursuivit, annuellement, jusqu’en 1865), ce que c’était que le catholicisme et que vivre catholiquement. L’idée religieuse, avec Stolz, devint l’inépuisable thème d’une littérature populaire. L’heure était proche où tous sauraient lire et aimeraient à lire : Stolz conquit au catholicisme droit de cité dans le domaine de la librairie.

Un éditeur, Benjamin-Ignace Herder, survint à l’heure voulue, pour consacrer cette conquête. Un Herder, en 1813, suivait en France les troupes alliées, à titre d’imprimeur et cartographe militaire : lorsque les fourgons de l’étranger s’en furent allés de chez nous, sa petite typographie reprit racine à Fribourg, publiant quelques cartes, éditant la revue catholique et fort peu romaine que dirigeaient Wessenberg et ses disciples. Il mourut en 1839, à l’heure où l’Eglise d’Allemagne se réédifiait. Au chevet de l’édifice nouveau, pourquoi ne point appuyer une maison d’impressions catholiques comme contrefort ? Benjamin Herder, qui devenait chef de la librairie, avait à peine dépassé vingt ans, l’âge où les rêves sont en fleurs, — en fleurs qui peut-être sécheront. Il fit ce rêve, auquel s’adonnait de longue date, en Bavière, l’imagination laborieuse du vieux Goerres ; la plus grande librairie catholique de l’Allemagne était fondée. Tout de suite il se mit en campagne, à Munich, à Tubingue, à Vienne, pour recruter les collaborateurs du grand Dictionnaire de l’Église, dont la publication commença en 1846, et auquel s’attelèrent la