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approfondir, il était retourné à Fribourg pour se faire prêtre. Voilà les origines intellectuelles de Stolz : l’étude de la théologie et la découverte de la foi sont dans sa vie deux faits indépendans, presque inverses l’un de l’autre ; et cela compose un curieux tempérament sacerdotal. Stolz est un original, qui doit être pris tel qu’il est : sur la récitation du bréviaire, sur le jeûne eucharistique, il a des idées fort peu rigoristes, comme beaucoup de prêtres badois, ses contemporains ; il peut n’être pas très correct, lorsqu’il parle de l’efficacité des sacremens, et longtemps il jugea les scolastiques avec les lunettes d’Hirscher, qui les lisait mal, ou point du tout ; mais pour faire pénétrer l’esprit catholique dans le foyer d’un ouvrier ou la chaumière d’un paysan de la Forêt-Noire, rien ne vaut un calendrier signé d’Alban Stolz.

En 1843 parut un petit livre intitulé : Calendrier pour le temps et pour l’éternité, pour le commun peuple et en même temps pour les Messieurs de l’Église et du monde, par un jésuite badois. Ce prétendu jésuite n’était autre que notre Stolz, alors maître de latin dans un gymnase. Huit musiciens, trois fois le jour, montaient sur le clocher de la cathédrale d’Heilbronn pour exécuter des chants appropriés aux fêtes : Stolz voulait que son calendrier jouât d’un bout à l’autre de l’Allemagne ce rôle de muezzin. Moins solennel que les huit musiciens, il était tout à la fois pieux et gai, édifiant et vulgaire, avec une verve d’anecdotes qui faisait passer la parabole ; et nul ne savait comme lui, à la fin d’une historiette, après une série de trivialités dont son éditeur Herder ne put jamais le corriger, décocher une pensée qui, comme une flèche, monte vers le ciel. Ses deux premiers calendriers ont pour sous-titre : Mixture contre la crainte de la mort, et La croissance de l’homme. Stolz, sans la moindre mélancolie, fait rôder la mort autour de son lecteur, et surgir Jésus, l’ennemi de la mort, pour racheter et consoler. Les illustrations y sont lugubres ; vous y retrouvez la cruelle valseuse des danses macabres, saisissant les humains à la taille pour un suprême tour de promenade… Au terme, Stolz ouvre l’enfer : comme ses ancêtres du moyen âge, il y met des gens d’Église ; et les capitalistes, aussi, y trouvent leur place et leurs tortures. Car le catholicisme d’Alban Stolz, — voyez plutôt ses commentaires du Pater, qui remplissent trois calendriers, — n’aspire point à l’élégance inoffensive d’un catholicisme de bonne compagnie : c’est une religion rude et qui ne craint pas d’être une gêneuse. Elle