Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/908

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

desquelles se dissimulaient des velléités de révolution politique et sociale.

Sur ces entrefaites, à la fin de 1846, le peuple de Bade eut faim ; l’hiver avait amené la disette. Parler des droits de Dieu à des hommes qui manquent de pain, n’est-ce pas leur suggérer la douloureuse idée d’interpeller Dieu sur leur misère ? Buss voulait éclairer le corps électoral sur la question religieuse ; mais le plébéien qu’il était possédait un sens trop aigu des réalités pour haranguer les consciences quand les estomacs criaient. Il se mit à faire des souscriptions, puis des spéculations heureuses ; il put apporter des vivres aux paysans de la Forêt-Noire, pour une somme deux fois plus grosse que celle que lui avait confiée la charité ; et l’humeur facile de ces pauvres gens se souvint de lui comme d’un messager de l’abondance. Ainsi progressait, entre un discours sur la question sociale et une campagne d’hiver dans laquelle ce professeur se faisait vagabond pour distribuer du pain, l’activité religieuse de François-Joseph Buss, remueur d’hommes.


V

Parallèlement à cette action, l’éducation du peuple catholique suscitait, en Bade, des initiatives réfléchies, et que ne pouvaient ni décourager ni stériliser les susceptibilités et les vexations de la bureaucratie d’Etat. De quelque poids qu’un État opprime l’Eglise, le prêtre conserve, comme une sorte de prérogative professionnelle que nul ne songe à lui disputer, la mission d’enseigner aux enfans les rudimens de la doctrine, de leur apprendre à épeler dans la nature le nom de Dieu et à retrouver en leur âme l’image de Dieu. La besogne est ingrate, peut-être, lorsqu’on la réduit à n’être que l’enseignement littéral d’un certain nombre de notions tout intellectuelles ; elle devient plus attachante, quand le catéchiste s’efforce d’éveiller et de cultiver des vies. Il y a catéchisme et catéchisme : on en peut faire une corvée, ou bien un sacerdoce.

Jean-Baptiste Hirscher, professeur à la faculté de Tubingue, puis à celle de Fribourg-en-Brisgau, voulut que le peuple badois fût catéchisé. C’était un homme d’une conscience sûre, d’une piété chaude, d’une intelligence parfois aventureuse, aimant à méditer sur le fait religieux plutôt qu’à raisonner sur les vérités objectives de la foi. Rien de commun entre la morale telle qu’il