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constituées depuis 1823, n’étaient élues que par la propriété foncière et ne représentaient que des intérêts locaux : une oligarchie catholique s’y pouvait faire entendre, mais le peuple était encore sans voix ; et la Prusse, jusqu’en 1847, fut dépourvue d’un organe représentatif central dans lequel les intérêts catholiques pussent être efficacement défendus. Cet organe existait en Wurtemberg et en Bade : et l’année 1842 marqua pour le Wurtemberg, les années 1845 et 1846 pour le grand-duché de Bade, l’avènement définitif de la question religieuse à la tribune parlementaire. Les fameux trente-neuf articles, qui, depuis 1830 consacraient l’hégémonie des États du Sud en matière ecclésiastique, furent directement visés, à Stuttgart, par l’interpellation de l’évêque Keller ; à Carlsruhe, par les interpellations de deux laïques, le baron d’Andlau et le professeur Buss.

La motion de Keller en faveur de la liberté de l’Église donna lieu, en 1842, à un vote favorable de la première Chambre wurtembergeoise, vote auquel s’associèrent des princes mêmes de la maison royale ; dans la seconde Chambre, au contraire, ce fut le doyen même du chapitre, Jaumann, qui contribua le plus à la faire repousser. Mais un jeune théologien, illustre plus tard dans la science et dans l’épiscopat, s’était levé pour défendre son évêque : il avait nom Charles-Joseph Hefele. Par un discours qui fit grand bruit, il témoignait éloquemment sa confiance dans les temps nouveaux et dans les libertés prochaines, et rêvait d’une époque où l’Église, secondée par une presse qu’aucune censure ne gênerait plus, pourrait enfin briser la férule de l’État. Jaumann, s’adressant à l’arbitraire de l’Etat pour qu’il usât de bonne grâce envers l’Eglise ; Hefele, en appelant au peuple pour que l’Église obtînt justice, représentaient, sous le regard dépaysé du vieil évêque Keller, les deux clergés dont l’un achevait de mourir et dont l’autre commençait à vaincre. De fait, le peuple s’agitait déjà : cinquante-quatre pétitions appuyaient les doléances épiscopales, et le despotisme de l’Etat sur l’Église fut ratifié, cette fois encore, par le vote de la seconde Chambre ; mais ce fut la dernière fois.

Trois ans plus tard, le Parlement badois fut une arène, où les religions descendirent et se livrèrent bataille. Une secte religieuse était née, dont bientôt nous dirons l’histoire, et qui s’appelait le « catholicisme-allemand » (Deutsch Katholicismus). Les radicaux badois la courtisaient ; ils demandaient, en vertu de