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au-delà des incidens locaux de son diocèse, les pulsations de la vie catholique. La période où les évêques n’avaient été que des administrateurs locaux, sous la haute surveillance de l’Etat, faisait place à une ère nouvelle, dans laquelle l’épiscopat prussien, admis désormais à des colloques avec l’Etat, élaborerait et pratiquerait une politique générale ; et dix années suffiront, en dépit des gouvernemens badois, wurtembergeois et hessois, pour que l’épiscopat de la province ecclésiastique du Haut-Rhin soit à son tour unifié par la tenace initiative de l’archevêque Vicari.


IV

L’Allemagne traversait alors des années sourdement troublées, dont 1848 devait être le dénouement. D’obscurs tressaillemens se faisaient sentir ; les polices les mieux armées peuvent empêcher les hommes de s’agiter, mais non point le sol de trembler. « Vous avez éveillé Michel en 1813, vous ne le rendormirez plus, » criait aux souverains d’outre-Rhin le poète politique Hoffmann de Fallersleben. Surveillé, comprimé, Michel avait pu se laisser assoupir ; mais il sommeillait sans dormir. Patient en son rêve et lent en ses énergies, Michel n’étirait encore qu’avec timidité la puissante lourdeur de son bras, lorsque déjà les catholiques, eux, étaient relevés de leur assoupissement : leur dévouement même à l’endroit de l’Eglise les avait mis en avance sur leur peuple.

« S’éveillant lors de l’affaire de Cologne, grandissant et se fortifiant à la dure école des sarcasmes et des persécutions, une invisible puissance a surgi, puissance merveilleuse ; c’est quelque chose que personne n’a inventé, ni conduit, ni réglé, quelque chose que les romantiques rêvaient, c’est une opinion catholique. »

Ces mots sont de l’ancien romantique Eichendorff, dans l’Histoire de la littérature poétique de l’Allemagne : ils nous font pressentir l’actif concours qu’allaient trouver immédiatement, parmi la foule des fidèles, les évêques émancipés.

L’opinion catholique était souveraine dans les diètes provinciales de la Prusse rhénane : en 1843, on y demandait, à l’unanimité, que la Prusse, s’acquittant enfin de la promesse que vingt ans auparavant elle avait donnée au Saint-Siège, constituât en faveur de l’Église romaine un capital, susceptible d’assurer à