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introduit dans la vie de l’église prussienne un nouveau personnage, discrètement interrogé mais sérieusement écouté : c’est le nonce du pape en Bavière. Geissel, à cœur ouvert, le fait pénétrer, par des lettres fréquentes, dans les grandes et petites affaires de l’archidiocèse : hésitations et décisions, inquiétudes et joies, il lui confie tout, lui soumet tout ; il l’accueillera bientôt en son archevêché comme visiteur, plus tard en sa cathédrale comme représentant du pape. « Les Ponctations d’Ems, » par lesquelles les princes-archevêques du XVIIIe siècle signifiaient aux nonces leur congé, sont décidément devenues surannées : à l’endroit du nonce, Geissel est plus que courtois, il est cordial, avec une nuance de déférence ; et l’Eglise prussienne, autorisée désormais à prendre contact avec le Saint-Siège, invite par surcroît le délégué du Saint-Siège en Bavière à prendre contact avec elle.

La situation du catholicisme à l’égard de l’État prussien devenait par là même toute nouvelle : l’Église n’était plus une institution sujette, sur laquelle des fonctionnaires étrangers à sa croyance avaient l’œil et mettaient la main ; elle se présentait comme une puissance ayant ses racines au-delà de la terre et son point d’attache terrestre au-delà de la frontière prussienne, puissance régnant souverainement sur son propre domaine, et puis, au jour le jour, négociant avec l’État prussien une équitable délimitation de cette éternelle zone mixte où le spirituel et le temporel prennent fatalement contact. L’Église n’était plus une subordonnée, mais une contractante. La Prusse, jadis, pour dessiner d’une façon durable la carte de ses diocèses, avait accepté, voire même demandé, que cette question fût l’objet de pourparlers avec Rome ; mais, la carte une fois tracée, elle avait montré, par ses procédés et ses maximes, que c’était là le seul acte bilatéral auquel de sa part l’Église romaine se dût attendre. Or, dans les années qui suivent 1841, c’est d’une façon bilatérale, c’est par des arrangemens entre les évêques de Prusse et le ministère prussien, que se tranchent les difficultés. Berlin propose, ou bien accepte, ou bien refuse ; mais Berlin cesse d’imposer. On voit Geissel, dès son installation, engager avec le gouvernement une série de discussions : les choix à faire pour son chapitre, l’éviction des professeurs hermésiens de la faculté de théologie catholique de Bonn, sont des questions épineuses et pressantes, mais qui se dénouent pacifiquement. Les évêques,