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nonciature de Suisse et l’archevêché de Fribourg au sujet de la situation lamentable de l’Eglise catholique badoise, son hostilité nettement déclarée contre l’oppression joséphiste qui paralysait l’Église autrichienne, faisaient passer l’ « évêque » protestant de Sehaffouse, en beaucoup d’endroits, pour un « crypto-catholique. » Il s’en fut se convertir à Rome, en 1844, et l’Autriche, en lui offrant une charge d’historiographe, le sauva des persécutions auxquelles il était désormais en butte, dans sa propre patrie, de la part de ses anciens coreligionnaires. Entre Jean de Millier, qui jugeait l’Église en étranger, avec un mélange de détachement et d’exaltation, et Frédéric Hurter, qui fait son entrée dans cette Eglise et devient le plus intransigeant gardien de la correction des dogmes et le plus assidu défenseur des intérêts religieux ; entre Wackenroder, qui introduisait la religion dans l’esthétique, et l’école de Dusseldorf, qui crée l’imagerie catholique ; entre Novalis, qui chantait la Vierge, et les derniers romantiques, qui la prient, des routes parallèles se sont déroulées ; et sur ces diverses routes, à un certain détour, l’histoire, la peinture, la poésie sont devenues strictement confessionnelles.

Mais en retour, par une façon de représailles latentes, les nouveaux chefs de file qui s’essaient à grouper derrière eux les pensées allemandes, les Gutzkow et les Heine, les Feuerbach et les Ruge, les Dahlmann et les Gervinus, sont formellement anticatholiques. Le romantisme d’autrefois se définissait par des tendances esthétiques ; la littérature nouvelle se définit par des tendances politiques et sociales. Elle s’intitule « jeune Allemande, » et, sous ce drapeau, donne l’assaut à la morale traditionnelle ; « jeune hégélienne, » et, sous ce nom, fomente le radicalisme politique ; « nationale-libérale, » et, sous cette rubrique, prépare l’unification de la patrie à la faveur des deux hégémonies, qui n’en font qu’une, de la Réforme et des Hohenzollern. L’ironie dont Wienbarg, l’un des coryphées de la « jeune Allemagne, » donne la définition, n’est plus cette ironie romantique qui induisait un Frédéric Schlegel, dans sa première manière, à ne se prendre qu’à peine au sérieux, et à se jouer de lui-même ; c’est une ironie active, combative, qui envisage gravement le duel des idées, et qui s’y jette, et qui s’acharne sur le contradicteur. L’histoire, avec Ranke et surtout avec Sybel, devient à longue échéance l’ouvrière d’une œuvre politique : malgré le succès que