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supérieure, et il a montré l’homme, à l’aide de la grâce, agrandi, transfiguré, s’élevant au-dessus des conditions ordinaires de la nature. C’était là véritablement pour lui le surhomme, le surhomme si peu compris par Nietzsche et Emerson. Ils l’ont cherché dans des êtres extraordinaires qui rompraient avec l’humanité, hors de toute proportion avec elle, la dépassant le plus souvent par leur égoïsme. Montaiembert a vu le surhomme dans ces êtres lumineux et forts, faits pour le bonheur de l’humanité : les saints.

Ce n’est pas assez de savoir pourquoi Montalembert a cru, il faut savoir ce qu’il a trouvé dans sa foi. Elle lui a procuré tout d’abord des jouissances d’un prix inestimable, — c’est lui qui parle, — en le faisant vivre de la vie de toutes les grandes âmes enfantées par le christianisme. La contemplation de leur beauté avait été une de ses raisons de croire ; leur société a été sa consolation, sa joie suprême. Peu d’hommes auront connu autant que lui ce que l’Eglise nomme la communion des saints. L’étude de l’histoire l’avait rendu familier avec ceux qui ont illustré la grande famille religieuse à laquelle il appartenait ; ses travaux lui avaient fait découvrir bien des créatures d’élite, telle cette sainte Elisabeth dont il s’était épris. Ces âmes avaient eu la même foi que lui, le même amour les avait entraînées vers un but identique ; il sentait toute la force des liens mystérieux qui l’unissaient à elles et le rapprochaient du monde invisible où elles étaient entrées déjà.

Que de fois, — il nous l’a raconté, — dans le silence des nuits, sous le toit du vieux manoir où il écrivait l’histoire des moines d’Occident, « il avait cru voir apparaître l’imposant cortège des saints, des pontifes, des docteurs, des artistes, des musiciens, des maîtres de la parole et de la vie, issus de siècle en siècle, en rangs pressés, de la souche chrétienne. » Ils lui apparaissaient, comme en ces fresques magistrales peintes par Flandrin sur les murs de Saint-Vincent-de-Paul : l’Eglise souffrante, militante, triomphante ; longue procession des âmes altérées d’infini, en marche vers l’adorable figure du Christ, du Médiateur entre Dieu et le monde, du Libérateur des nations.

Voilà un des premiers biens que lui apportait sa foi. Elle lui en apportait un plus grand, en lui donnant la vue claire du but, qui est de nous rapprocher tous les jours de l’idéal évangélique et de préparer, en pratiquant les enseignemens du Christ, notre