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revenu. Cet ordre du jour, le croirait-on ? n’a pu réunir que 62 voix. Où était donc M. Combes ? Qu’était-il devenu ? Y avait-il bien longtemps qu’il avait disparu ? On a vu du premier coup ce que sa majorité avait d’artificiel, et combien la Chambre était, dans son for intérieur, peu pressée d’aborder des réformes qu’elle charge d’ailleurs expressément le ministère de faire aboutir quand il pourra.

Mais nous ne voulons pas trop triompher de ces résultats, sentant bien ce qu’ils peuvent avoir de fragile. Il faut s’attendre à un retour offensif de l’ennemi ; et qui sait si le gouvernement lui-même ne sera pas un peu effrayé de sa victoire ? Il a cependant pu constater que la Chambre, image du pays, était avec lui. Il lui a suffi de la dégager du joug sous lequel elle se courbait, de renoncer à exercer sur elle une intimidation déprimante, de lui laisser enfin la liberté de voter suivant sa conscience. A voir la manière dont il avait été accueilli par la presse, on pouvait croire qu’il n’aurait pour ses débuts que quelques voix de majorité. Était-il même bien sûr de les avoir ? Il en a eu une énorme. Vivent les réformes, si on peut et si on veut réellement les faire ! Elles seront l’œuvre de tout le monde. Mais il y a un système politique qu’on appelait le « combisme. » C’est lui qui a été frappé, et d’un coup si violent qu’il ne s’en relèvera pas.


La quinzaine qui vient de s’écouler a vu se produire, en Russie, les incidens les plus douloureux. Amis et alliés de ce grand pays, nous ne parlerons qu’avec réserve des épreuves qu’il traverse ; mais enfin, la vérité a ses droits, et d’ailleurs les coups de fusil qui ont été tirés dans les rues de Saint-Pétersbourg, le dimanche 22 janvier, ont retenti dans le monde entier. Le soir même, les nouvelles de la catastrophe ont été envoyées dans toutes les directions par le télégraphe avec une abondance et une précision inaccoutumées en pareil cas. Depuis lors, il est vrai, elles sont devenues plus rares et un peu contradictoires ; mais on en sait assez pour se rendre compte de ce qui s’est passé. Il ne faut pas l’exagérer, et il paraît bien qu’on l’a fait sous le coup de la première émotion. On aurait tort, toutefois, de croire que tout soit terminé par une fusillade meurtrière. L’ordre est rétabli sans doute, et cela est heureux ; mais il faut s’attacher à ce qu’il ne soit pas troublé de nouveau, et rechercher, pour y porter remède, les causes de l’événement.

Les causes sont de deux sortes : les unes tiennent à un mouvement ancien et profond qui se fait dans l’opinion russe et qui tend à tempérer par des réformes ce que l’autocratie traditionnelle a de trop absolu ; les