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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



31 janvier.


Nos pronostics se sont réalisés. M. Combes a donné sa démission, et M. Rouvier est président du Conseil à sa place. Ce n’est pas là seulement un changement de personnes ; les choses aussi sont changées, comme on le verra bientôt. Le programme du gouvernement reste matériellement le même ; mais il en est autrement de son esprit. Tout cela s’est passé en quelques jours, avec une rapidité telle que des incidens qui sont d’hier semblent déjà appartenir à un passé lointain. M. Combes s’en est allé juste au moment où il a senti qu’il allait être renversé ; mais il ne l’a pas fait sans essayer de mettre la main sur ses successeurs, et de leur dicter, de leur imposer la loi : c’est l’expression dont il s’est servi lui-même dans une lettre qu’il a adressée à M. le Président de la République, monument sans pareil d’inconscience et d’inconvenance. En mourant comme ministre, il a essayé de se survivre comme inspirateur de la politique future. Il a malheureusement réussi à influer sur la composition du nouveau cabinet ; mais, une fois formé, le cabinet a échappé à son ascendant, et ses premiers actes ont donné satisfaction à la conscience publique : nous sommes heureux de le constater. Le ministère Rouvier n’est pas la suite du ministère Combes. Il a un caractère personnel, et n’a pas tardé à le montrer. Mais parlons d’abord de sa composition, qui est son côté faible.

On ne s’attendait pas à ce que le nouveau ministère fut composé de républicains libéraux et progressistes. Si quelques-uns y étaient entrés, ils y auraient été en minorité et y auraient joué le rôle d’otages, rôle peu glorieux pour eux et embarrassant pour leurs amis. Mieux vaut qu’ils soient restés en dehors, c’est-à-dire indépendans. Les groupes progressistes de la Chambre et du Sénat l’ont compris ainsi ; ils n’ont