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l’envoyé français, M. Brumpt : douze fois sur quinze il a trouvé le parasite.

L’existence des deux phases de la maladie a été mise hors de doute. Pendant la première période, qui peut être très longue, celle-ci ne mérite pas le nom de maladie du sommeil : c’est une fièvre pernicieuse. Le parasite n’a point encore pénétré dans les centres nerveux, il vit ou végète dans les vaisseaux sanguins, où sa présence n’entraîne d’autres conséquences que des troubles vagues, des poussées fébriles plus ou moins violentes qui correspondent sans doute à des périodes de multiplication du trypanosome.

Cette première période avait été déjà observée, sans que l’on sût encore qu’il s’agissait d’une maladie du sommeil à ses débuts. En 1901, à l’hôpital de Bathurst, en Gambie, les docteurs Forde et Dutton soignaient un homme, un Européen, qui depuis six années servait sur la rivière de Gambie à bord d’un steamer du gouvernement. Ce malade était atteint de fièvres irrégulières et considéré comme un paludéen. Mais, au lieu de trouver dans son sang l’hématozoaire du paludisme, les médecins anglais y aperçurent des sortes de vermicules, qui n’étaient autre chose que des trypanosomes. Dutton nomma cette espèce Trypanosome de Gambie (Tryp. Gambiense). Si le malade avait été suivi jusqu’au bout, on aurait, à la fin, reconnu la maladie du sommeil. Le parasite était celui que Castellani devait découvrir deux ans plus tard.

La maladie du sommeil débute donc par une simple infection d’apparence paludéenne et qui ne s’en distingue guère que par sa résistance à la quinine et son irrégularité : elle ne se caractérise que plus tard comme maladie nerveuse. Il n’est pas nécessaire de rappeler ici ces symptômes nerveux. La presse quotidienne les a abondamment décrits, l’année dernière : le public en a lu partout le récit. On peut même ajouter que bien des personnes en ont vu le spectacle. Le savant envoyé au Congo par l’Institut de médecine coloniale de Paris, M. Brumpt, en a ramené, en effet, trois malheureux nègres atteints de cette affection. Ils ont été soignés à l’hôpital de l’Association des Dames Françaises à Auteuil, où beaucoup de visiteurs ont pu les observer.

Les symptômes de la première période sont nuls chez les nègres où le mal reste latent jusqu’à ce qu’il soit entré dans sa seconde phase. Chez les mulâtres et les blancs ils consistent en des accès de fièvre non précédés de frisson, durant de deux à quatre jours,