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ultramontain. Les canonistes laïques, à Munich, se préparaient à être infaillibilistes, avant les théologiens.

Nous n’avons, parmi les hôtes de la maison, nommé que les sommités ; et nous ne devons pas cacher que ce qu’il y avait de plus intéressant dans la vie d’un pareil cercle, c’est ce que l’histoire n’a pas su, ou bien ce qu’elle a tu. Sous le toit de « papa Goerres, » on faisait (mieux que de nouer des relations, l’on resserrait des liens d’âmes. Ce Jarcke, que Phillips rencontrait, n’était-ce pas lui qui naguère avait converti Phillips ? Jarcke, à son tour, saluait dans Windischmann le fils de ce professeur de Bonn auquel il devait sa propre conversion ; Brentano retrouvait dans le numismate Streber le gendre de cet admirable Diez, qui lui avait révélé ce qu’est la charité ; et si Moy était croyant, c’était sous l’influence du médecin Ringseis, qui partageait ses loisirs entre la maison de Goerres et celle d’Emilie Linder. La Table Ronde, avec Goerres comme « maître du concert, » était plus qu’un salon, mieux qu’une académie ; elle ressemblait à une famille spirituelle, dont le jeune Guido Goerres, le doux et candide Guido, était comme l’enfant de chœur.


Quels nobles et ardens entretiens ! écrivait plus tard le comte de Falloux. Quelle passion pour l’Église et pour sa cause ! Rien n’a plus ressemblé aux discours d’un Portique chrétien, que les apologies enflammées du vieux Goerres, les savantes déductions de Doellinger, la verve originale de Brentano, la candeur naïve de Guido Goerres, endoctrinant de jeunes professeurs ecclésiastiques, tels que l’abbé Windischmann, et tant d’auditeurs bénévoles, de disciples de toutes nations, qui emportaient de là chez eux une ineffaçable empreinte, et d’immuables convictions.


D’Angleterre et de France, en effet, les catholiques regardaient vers Munich. Lamennais, Montalembert, Lacordaire, s’y rencontraient en 1832 ; Lamennais discutait avec Schelling, et Rio recueillait leurs propos. On se rappela toujours, à Munich et à la Chesnaie, cette journée d’août de l’année 1832, où les trois fondateurs de l’Avenir causaient avec Goerres, Schelling et Baader, et parlaient sans doute de l’Église, lorsqu’un courrier de la nonciature survint, apportant à Lamennais l’encyclique Mirari vos. Montalembert meurtri ne quitta Munich que pour y revenir bientôt, et pour s’y attarder : « Chaque mois, écrivait-il, voit éclore des ouvrages capitaux et inappréciables sur l’histoire de la chrétienté et de la littérature au moyen âge. » En cette même