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derrière lui une innombrable postérité intellectuelle ; et l’un des maîtres à la prise desquels elle s’abandonnait le plus volontiers était un disciple de Tubingue, professeur à Giessen, puis à Fribourg, François-Antoine Staudenmaier. À la fois théologien et historien, comme ses maîtres Drey et Moehler, leur propre expérience lui servit à éviter des écarts. Il publia en 1834 une Encyclopédie des sciences religieuses ; en 1835, un Esprit du christianisme, qui fit époque en Allemagne pour la connaissance de la liturgie ; en 1840, une Philosophie du christianisme ; de 1844 à 1852, une Dogmatique. À ces titres seuls, on devine une pensée qui a sa règle et son système, et qui prend conscience de cette règle, et qui, laborieusement, construit ce système. L’œuvre entière de ce disciple, que les événemens de 1848 rappelleront à notre attention, témoignait que l’école de Tubingue était parvenue à sa maturité.


V

À l’époque où le livre sur l’Unité de l’Église commençait d’illustrer Tubingue, l’hospitalité française, oublieuse des injures de Goerres, accueillait et retenait à Strasbourg le publiciste exilé, et avec lui la revue Le Catholique, proscrite de Mayence par la censure. Sortie d’Alsace, il semblait que par une émigration forcée l’école de Mayence y fût ramenée ; et d’autre part, c’est à la faveur de l’accueil alsacien que Joseph Goerres, s’exerçant comme publiciste catholique, préludait aux inoubliables luttes qui grouperont autour de lui l’école de Munich.

Goerres avait, en 1814, donné une voix à l’opinion allemande ; il voulait, désormais, donner une voix à l’opinion catholique. Le Mercure avait ouvert un forum : sur ce forum, le catholicisme allait descendre. « Il y a une entente générale dans toute l’Allemagne protestante, écrivait Goerres, pour dénaturer et évincer les livres catholiques ; il nous faut un périodique de pénétration générale. » Humble fugitive, la Revue de Mayence fut ce périodique. Goerres réclamait, pour le catholicisme, le droit de s’étaler au grand jour de la publicité, comme une opinion librement professée par un certain nombre d’êtres pensans, comme un capital d’idées, homogène, intangible, susceptible de redevenir un facteur d’histoire, comme un système de pensées, ayant sa répercussion sur la science, échangeant avec elle