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catholicisme, ont été les premiers artisans de ses convictions religieuses. Il est vrai que M. Forbes, avec sa conception élevée, austère de la vie, avec sa haute probité intellectuelle, et tout pénétré qu’il était des paroles de l’Écriture, ne pouvait manquer de donner une trempe chrétienne à l’âme de l’enfant qui lui était confié. Quant à Mme de Montalembert, c’est elle qui, par sa conversion au catholicisme, éveilla dans son fils, dès l’âge de douze ans, l’esprit de recherche et d’investigation. Un prêtre d’une sainte vie l’avait instruite, et Montalembert a écrit : « Je me rappelle très bien que ce fut en écoutant et en transcrivant, de ma main d’enfant, les éclaircissemens demandés par ma mère, que je fus porté à réfléchir, pour la première fois, aux preuves historiques de la religion chrétienne et à prendre goût pour ce genre d’études. » Aussi bien, comme on le verra de mieux en mieux, est-ce dans ces premières années qu’il faut chercher les origines de la foi de Montalembert, dans ces années ardentes de la jeunesse, où les sentimens et les événemens se précipitent dans l’âme comme un métal en fusion qui se fixe et garde une empreinte ineffaçable. Ce ne sont encore, il est vrai, que de simples dispositions ; mais les raisons de croire se montreront ensuite, et deviendront de plus en plus nettes et puissantes.

Deux préoccupations semblent avoir dominé, au point de vue religieux, la vie de Montalembert, et toutes deux se rattachent à des faits qui ont marqué dans sa jeunesse : la mort de sa sœur d’abord, et ensuite son voyage en Irlande ; le mystère de la douleur, de la séparation, de l’au-delà ; le mystère du mal moral, de l’injustice momentanément triomphante, de la réparation.

Appelé, au sortir de ses études universitaires, à rejoindre en Suède son père qui y représentait la France, Montalembert avait trouvé le grand charme et le principal attrait de son existence dans la présence, auprès de lui, d’une sœur qu’il avait quittée enfant et qu’il retrouvait jeune fille, dans le plein épanouissement des qualités les plus rares. Il savourait l’impression qu’elle produisait à Stockholm, où l’on était frappé de cette beauté si intelligente et si distinguée, de ce tact prématuré, de cette élégance morale et physique que rendait plus attachante encore un regard d’une délicieuse mélancolie. Quand un soir, au retour d’une promenade en voiture, se déclare tout à coup la crise la plus grave, un embarras insurmontable de la gorge, une