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les font disparaître. Celles qui sont devenues veules par suite d’un trop grand bien-être, ou de principes politiques déprimans, ont été détruites en tant que nations et se sont vues forcées de subir la loi de l’étranger. Tels les peuples d’Orient conquis jadis par Rome, telle la Chine aujourd’hui.

Le Président des États-Unis, M. Roosevelt, signalait dernièrement l’horrible situation de cette Chine avec ses quatre cents millions d’habitans, contrainte d’accepter de la part de l’étranger toutes les violences, invasions, massacres, violations des temples, des palais et des tombeaux. Il ajoutait : « La nation qui s’organise une existence aisée et prend la guerre en horreur, pourrit sur place. Elle est destinée à s’abaisser et à se faire l’esclave d’autres nations qui n’ont pas perdu les qualités viriles. » Dans sa remarquable préface du livre de M. Th. Roosevelt (la Vie intense), M. Jean Izoulet écrit : « La Chine sera serve, à moins qu’elle ne sorte des longs sommeils par les violens réveils et ne se rue en représailles terribles… Pendant des siècles, l’Allemagne et l’Italie, sans unité et sans frontière, sans gouvernement et sans armée, ont été foulées aux pieds des nations… Il ne suffit pas d’atteindre à la richesse et à la culture, d’avoir des Venises opulentes et des Florences lettrées. Il a fallu quinze siècles à l’Italie, d’Augustule à Victor-Emmanuel, pour remonter du fond de son enfer d’anarchie et d’invasion. »

C’est ce qu’on ne saurait trop dire aux Français d’aujourd’hui. L’état moral d’une race fait d’elle, soit une nation d’hommes libres, soit un peuple d’ilotes. Cet état moral est le résultat de l’hérédité et de la tradition, presque autant que de la culture intellectuelle et physique. Nous savons, en effet, que la valeur cérébrale de l’homme, ses aptitudes, ses sentimens, dépendent en grande partie de son hérédité. En travaillant à notre propre perfectionnement, nous tendons à faire atteindre à nos descendans un degré intellectuel et moral supérieur au nôtre. C’est ainsi que se forment les races guerrières et braves. Les Japonais nous en donnent en ce moment l’exemple. Depuis des siècles, leurs légendes, leurs chants, leur enseignement scolaire, sont la glorification en quelque sorte religieuse et sainte de la bravoure et de l’honneur. Une féodalité militaire, pénétrée de cette noble idée que la perte de l’honneur rend la vie intolérable, s’est trouvée toute prête à former les cadres qui ont donné corps et vie aux troupes. Ce peuple, élevé dans le mépris de la mort par