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nous permette pas de subir un échec initial ? Ce serait d’autant plus déplorable qu’étant résolus à ne pas déclarer la guerre, nous serons obligés au début de nous tenir sur la défensive. Il est convenu que nous ne ferons la guerre que si nous sommes attaqués. L’ennemi aura donc l’initiative de l’attaque. Il sera, par conséquent, maître de l’heure ; il pourra d’avance préparer ses moyens, gagner du temps et nous surprendre. N’est-il pas prudent de prévoir que les succès initiaux pourront être de son côté ?

Reconnaissons-le. Nous sommes fort mal préparés à cette éventualité, et le service de deux ans rend absolument nécessaires des dispositions spéciales qui devront trouver leur place dans une nouvelle loi des cadres.


Le rapport fait au nom de la Commission de l’armée par M. Berteaux, et qui a pour objet la réduction à deux ans de la durée du service dans l’armée active, s’exprime ainsi, page 140 : « La loi sur le service de deux ans nous donnera des réserves homogènes, composées du maximum d’hommes valides, également instruits et exercés. Ce sont ces réserves qui doivent constituer à la mobilisation les forces destinées à soutenir la lutte nationale. » C’est là une conception erronée de la valeur des réserves. Elles peuvent en petit nombre compléter des unités de combat ; elles ne peuvent pas les « constituer. » La guerre actuelle vient de nous en donner encore l’indiscutable preuve et les désastreuses conséquences de cette erreur seront peut-être fort graves. Le 2 septembre, à la bataille de Liao-Yang, la division Orlof était composée d’un régiment de l’active mis en première ligne, et de deux régimens de réservistes placés en seconde ligne. Ceux-ci, pris de panique dès le commencement de l’action, fusillèrent le régiment actif placé devant eux, et toute la division se mit en déroute, causant ainsi la perte de la bataille, partout ailleurs victorieusement livrée.

Le rapport oublie aussi que, pour pouvoir résister à une attaque soudaine, il faut avoir le temps d’appeler les réserves et de les mobiliser. Il est cependant certain que ce temps fera défaut, puisque nous sommes sur la défensive.

La période, dite de « tension politique, » pendant laquelle un certain nombre de mesures préparant la mobilisation sont prévues, est un leurre. Tout le monde le sait et néanmoins fait semblant d’y croire, parce que la vérité est gênante. Comme