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derrière lesquelles la lâcheté s’abrite, est un fait malheureusement indiscutable. Lorsque la guerre surprendra la nation endormie dans son bien-être, ce ne sera probablement pas avec les refrains patriotiques de 1792 que se formeront les colonnes de réservistes, mais plutôt avec le chant de l’Internationale. Les agens répandus par l’étranger au milieu de nos soldats sauront au besoin le provoquer. La masse ouvrière, actuellement maintenue par la politique dans un état d’excitation constant, remplira les régimens de son agitation et répandra la méfiance que les meneurs révolutionnaires ne cessent d’inspirer à l’égard des chefs de tout ordre. Une fraction certainement importante des réservistes sera pénétrée de l’enseignement donné aux masses ouvrières dans les réunions socialistes et dont voici le résumé : « La vie est le plus grand bien de ce monde. L’instinct de la conservation est une loi naturelle. Tout doit être fait pour conserver la vie. L’homme libre, ayant conscience de lui-même, a pour premier devoir de sauvegarder sa vie, ensuite d’atteindre au bonheur. Les masses prolétaires doivent avoir conscience de l’injustice de leur situation économique. Elles sont en fait réduites à l’état d’esclavage et exploitées par les capitalistes puisqu’elles reçoivent toujours un salaire inférieur à la valeur qu’elles créent. Pour maintenir les prolétaires dans cet esclavage, le capitalisme a eu de tout temps recours à deux mensonges : la religion et le patriotisme, qui est lui-même une sorte de religion. Pour s’imposer, ces deux mensonges disposent de deux forces : l’armée et le clergé. Tout homme qui veut vivre libre doit travailler à détruire ces deux forces. Toute guerre, même et surtout celle qui se fait au nom des intérêts économiques, est impie. Elle est toujours l’expression de l’action du capitalisme envoyant le prolétaire à la mort pour défendre les intérêts du riche. Tout chef militaire est le représentant immédiat du capitalisme, c’est le premier des ennemis. Le prolétaire doit s’en souvenir le jour de son appel sous les drapeaux. »

Ces détestables enseignemens sont plus dangereux qu’on ne saurait le dire, car ils prennent appui sur la faiblesse humaine et donnent non seulement une excuse, mais encore une apparence de raison aux pires défaillances ; et il n’est que trop facile de concevoir quelles en peuvent être les conséquences.

On pressent l’état moral dans lequel se trouvera peut-être une partie importante des élémens que les cadres devront mener