Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/443

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bien souvent les rives du Stour ont tenté le pinceau de Constable, et il a su, en variant les sujets qu’elles lui offraient, garder à chacun d’eux sa véritable signification. Ici, c’est la roue d’un vieux moulin avec l’eau écumante qui, tombant à grand fracas, s’épand en fine poussière sur la luxuriante végétation de ces lieux humides ; des amas de tussilages lustrés tapissent les berges et des ombellifères géantes ont poussé toutes droites leurs hautes tiges couronnées de larges fleurs. Là, c’est la rivière aux capricieuses sinuosités, coulant à pleins bords, avec de grands arbres de fière tournure penchés sur ses rives. Ou bien encore, — et c’était là une des données favorites de l’artiste, — voici cette Écluse qu’il a plusieurs fois représentée avec toutes les variantes d’arrangement qu’il en pouvait tirer. La simplicité même de ce motif était faite pour lui plaire, car, avec des contrastes savoureux, elle lui fournissait une nouvelle occasion de montrer, sous un ciel d’orage, la beauté des eaux jaillissantes et la richesse des plantes aquatiques déployant sur les talus leur opulent feuillage. Comme d’habitude, les verdures intenses des herbages et des arbres sont mises en valeur par la note rouge du vêtement de l’homme qui se dispose à lever la vanne de l’écluse dans laquelle son bateau va s’engager.

Constable a peint aussi, à diverses reprises, la Cathédrale de Salisbury. Dans l’exemplaire qui figurait à l’exposition de Manchester en 1857, — il appartenait alors à M. Samuel Arhton, — l’église est reléguée à un plan assez éloigné. Un arc-en-ciel décrit sa courbe brillante sur des nuées orageuses ; une charrette, attelée de trois chevaux, va traverser à gué la rivière qui occupe le centre du tableau, et les pieux d’une barrière, avec des plantes variées croissant à l’aventure, garnissent le premier plan. Le même motif, conçu plus simplement dans le tableau du South Kensington, est d’un effet plus saisissant, et l’artiste qui l’avait gardé dans son atelier jusqu’à sa mort le considérait comme un de ses meilleurs ouvrages. La largeur de l’aspect, l’ampleur de l’exécution, la justesse de cette lumière dorée qui vient caresser la nef et le clocher de la cathédrale, et le contraste heureux que les murailles du monument présentent avec les bleus veloutés des nuages, tout ici révèle la maîtrise du peintre et justifie la préférence qu’il avait pour cette œuvre exquise. Sans effort apparent, par le simple jeu de tonalités blondes et modérées, il a su rendre le charme souverain qui, à certaines heures, se répand