Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/429

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’est pas moins indispensable pour faire un artiste complet. Quoi qu’il en soit, en regard de l’étrangeté et du décousu de la vie de Turner, il nous a paru que la carrière si unie de Constable et le développement si logique de ce vaillant et généreux artiste prendraient mieux ici leur vrai caractère et leur complète signification.


II

C’est au hameau d’East-Bergholt, dans le Suffolk, où déjà Gainsborough avait vu le jour, que John Constable naquit le 11 juillet 1776. Située entre deux petits cours d’eau, le Stour et l’Ouvel qui par de gracieuses sinuosités aboutissent à la mer, cette contrée assez retirée forme une presqu’île très pittoresque. Avec les placides horizons de ses plaines mollement ondulées, avec sa végétation luxuriante et ses vieux arbres d’élégante tournure répandus dans la campagne, ce coin de terre est un lieu d’élection pour les paysagistes. Les parens de Constable y jouissaient d’une certaine aisance. Sa mère était une femme pleine de sens et de bonté, et il tenait de son père, Golding Constable, la droiture, la fermeté de caractère, la patience et la modération dans les désirs dont il fit preuve pendant les longues difficultés de sa carrière. D’une complexion d’abord assez délicate, il devait plus tard devenir très robuste, grâce à la régularité d’une vie simple et passée au grand air. Envoyé à l’école à Lavenham, près de Bergholt, son instruction fut, au début, fort négligée et le pauvre enfant y subit même les mauvais traitemens de son maître. A Dedham, où il suivit ensuite les cours de grammaire, il fit, au contraire, de rapides progrès et son intelligence, sa droiture et le charme de son humeur avenante lui gagnaient bien vite l’affection du docteur Grimwood, le principal de cette école. Le jeune garçon commença de bonne heure à s’intéresser à la peinture et il avait toujours eu pour la nature une véritable passion. Un de ses camarades, John Dunthorne, qui devait embrasser la profession de vitrier, partageait ses goûts et les deux gamins s’étaient peu à peu unis par une amitié qui, devenue plus étroite encore avec les années, ne se démentit jamais. Les courses qu’ils faisaient ensemble à travers la campagne étaient pour eux l’occasion de vives jouissances et quand, avec le matériel très primitif qu’ils s’étaient procuré sur leurs