Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/405

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dois avouer que l’exposition du midi me convient beaucoup. Je crois que la chaleur ne doit pas être excessive dans ce climat, et le sud me paraît l’exposition la plus saine ; j’aurais été bien fâchée que mon cousin se gênât pour moi et je reconnais bien à cela sa manière de penser. »

Le 30 décembre 1798, une affaire bien autrement grave fit prendre au Roi la plume. « Je viens, ma chère enfant, d’apprendre que le Directoire, quittant enfin le masque dont il s’est si longtemps couvert à l’égard du roi de Sardaigne, vient de lui déclarer la guerre. Vous pouvez aisément juger combien une pareille nouvelle m’afflige. Cette perfidie a été précédée de tant d’autres, qu’à moins d’un miracle, ce malheureux prince est perdu s’il est réduit, pour se défendre, à ses seules forces. Je ne doute pas que l’âme généreuse de l’Empereur, mon neveu et le sien, n’ait senti sa cruelle position. Je ne sais que trop aussi combien il s’est écoulé de temps depuis la déclaration de guerre, et combien il doit déjà s’être passé d’événemens. N’importe, je ne puis me taire et voir dans un si grand danger la seule sœur qui me reste, et toute la famille de ma femme. Sans les raisons que je vous ai dites, ce ne serait pas à vous que je m’adresserais ; ce serait à l’Empereur lui-même. Mais, en ce moment, je suis presque bien aise que mon bonheur ait été retardé, puisque vous pouvez me suppléer dans une occasion aussi intéressante. Je sais la réserve que vous vous êtes imposée ; je l’approuve en tout autre cas : mais dans celui-ci, il faut vous mettre au-dessus. Imitez, s’il en est temps encore, l’exemple d’Esther. Songez qu’il y va du salut ou de la perte de votre tante, de toute une famille qui bientôt vous tiendra de si près. Pressez, sollicitez, servez-vous du don de persuasion que la Providence vous a si bien donné ; obtenez les secours qui leur sont si indispensables. Vous ne pourrez faire une meilleure action, ni me donner à moi-même une preuve plus touchante de votre tendresse pour moi. Je vous le demande par toute celle dont mon cœur est rempli pour vous. »

Avant que sa nièce eût pu recevoir cet appel, le Roi lui écrivait de nouveau : «… Je vous ai exprimé deux fois la semaine dernière la peine et l’inquiétude que me causait l’état de ma sœur et de mes beaux-frères. Je les ai ressenties encore plus vivement par le bruit qui s’est répandu de leur translation à Chambéry. Enfin, j’ai appris leur départ pour la Sardaigne. Leur sort est encore bien déplorable ; ils ont eu de cruelles journées