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choix que je vous ai invitée à me proposer. Mais permettez-moi de vous donner à la fois une preuve de ma confiance en votre discrétion, et du désir extrême que j’ai de vous voir heureuse. Je sais que mon frère désire que la duchesse de Sérent soit votre dame d’honneur. Je partage ce désir et si c’était à moi de faire définitivement ce choix, je n’en ferais pas un autre, bien sûr de n’en pouvoir pas faire un meilleur, ni qui pût vous plaire davantage. Vous serez, en ce cas, étonnée que je ne vous en aie pas parlé ; mais je ne pouvais y songer, la sachant en France, au lieu que j’ai appris, depuis la dernière que je vous ai écrite, qu’elle est au moment d’en sortir. Je reviens actuellement à ce que je voulais vous dire. Jugez combien il serait agréable à votre beau-père et à votre mari, qui regarde Mme de Sérent comme sa seconde mère, que vous exprimassiez le désir de l’avoir comme dame d’honneur ! Vous pourriez donc me mander : « Si la duchesse de Sérent était libre, je serais bien heureuse de l’avoir pour dame d’honneur. » Ce souhait, infiniment naturel de votre part, comblerait d’aise ceux auxquels il vous est le plus essentiel de plaire.

« La petite ruse que je vous propose est assurément bien innocente. Je ne serais pas embarrassé d’avouer que je vous eusse inspiré une pareille idée ; mais j’aimerais bien mieux qu’elle parût venir de vous, et vous ne pourrez pas me donner une plus grande marque d’amitié que de l’adopter.

« Il faut actuellement que je vous parle du plaisir que m’a fait votre lettre à mon neveu : il est si doux pour un père de voir ainsi la confiance s’établir entre ses enfans ! Il m’a montré sa réponse : mais je ne lui ai pas dit mon secret. La vie qu’il vous a décrite est celle que je mène depuis la fin de 1792. C’est à peu près celle d’un couvent de chartreux. Elle me convient, je crois, plus par habitude qu’autrement. Mais elle pourrait fort bien ne pas vous convenir. Si cela était, ma chère enfant, dites-le-moi franchement. Dites-moi les changemens que vous y désireriez. Je voudrais que ce fût un sacrifice que de les adopter, ma tendresse m’en ferait un bonheur : mais, en vérité, ce n’en serai-même pas un ; ainsi, que rien ne vous gêne. »

Madame Royale s’empressa d’accéder au désir de son oncle.

«… Le désir que vous me témoignez, mon cher oncle, de placer auprès de moi Mme de Sérent est parfaitement conforme à mes souhaits, j’ai toujours estimé extrêmement cette dame, et par sa