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de l’Empereur, ayant débuté l’un à Lyon, l’autre à Versailles. Je pris gaiement mon parti, et je dis bien haut à mes amis : « J’ai besoin d’apprendre mon métier ; on m’en donne les moyens en m’envoyant dans un poste où je n’aurai nulle distraction ; tout est pour le mieux. »

Au reste, M. de Bassano me fit sentir que, placé entre la Suisse, la France et l’Italie, je pourrais rendre des services remarqués. M. Rœderer, que j’avais eu l’occasion d’obliger, qui avait toutes les négociations pour la Suisse ainsi que l’acte de Médiation, qui connaissait admirablement tous les hommes du pays, surtout ceux des vallées, voulut bien m’offrir ses notes et ses cartons que je pus lire et copier, si bien que je partis muni des plus utiles renseignemens dont je tirai plus tard de grands secours.

Sainte-Aulaire fut compris dans la même promotion[1], par cette sorte de fatalité qui associa continuellement nos deux destinées. Il avait deux ou trois ans de plus que moi. Nous nous étions connus en 1798 à l’atelier de Lemire et au salon de danse de Gaillet où il faisait une cour assidue à Mlle de Soyecourt, sa première femme, qu’il épousa malgré vent et marée. Elle était fort riche, mais fille d’une mère extravagante, la princesse de Nassau. Ainsi, des huissiers étant venus saisir chez elle un jour de bal, elle leur dit très aimablement : « Messieurs, vous êtes chez vous ; prenez tout ce que vous voudrez ; laissez seulement les couverts jusqu’après le souper. » Il se remaria en 1808, quand je me mariai moi-même ; nous fûmes nommés chambellans en 1809 par le même décret, titrés ensemble, décorés ensemble, préfets ensemble, envoyés tous deux à la Chambre par les départemens que nous avions administrés, et toujours unis dans les affaires comme dans la politique par une sûre amitié.


  1. Comme préfet de la Meuse.