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perdreaux, sous prétexte que Paris m’avait débilité. Il fut aussi bon, aussi attentionné pour ma femme, sa fille d’adoption, qui nous remplaçait près de lui. Il avait compris que son grand sens sauverait notre fortune, tandis que son père assurerait ma carrière auprès de l’Empereur. Il mourut dans l’espérance qu’elle allait me donner un fils que Sa Majesté eût tenu sur les fonts, que son grand-père de Narbonne eût adopté, et qui eût été élevé sous les yeux de ma sœur avec le Roi de Rome. Six semaines après, elle accoucha d’une fille. Que de rêves évanouis ! mais depuis, combien d’autres se sont évanouis encore !

A peine me laissa-t-on le temps de pleurer mon père : je fus bientôt rappelé pour être du voyage de Compiègne avec mon beau-père que, depuis cinq ou six mois, il était question d’attacher de plus près à l’Empereur. La cour de Vienne le réclamait avec insistance pour ambassadeur depuis son entretien avec l’empereur d’Autriche au sujet du mariage, mais Napoléon et surtout M. de Bassano tenant à M. Otto, on voulut le dédommager par une haute situation. On songea à le faire Grand Maître de la maison de l’Impératrice ; Duroc le désignait ; l’expérience, disait-il, avait démontré combien M. de Beauharnais, chevalier d’honneur, et le prince Aldobrandini, premier écuyer, étaient peu capables de ces délicates fonctions. On pouvait en dire autant de la duchesse de Montebello, qui ne pensait qu’à jouir de son intérieur et de ses relations privées, sans cesser toutefois d’être fort jalouse de la confiance de l’Impératrice et de son crédit personnel. Tous ces choix avaient été faits par l’Empereur dans le but de ne rencontrer ni une objection, ni une apparence de volonté autour de sa femme ; mais, après s’être bien assuré de leur parfaite obéissance, il avait reconnu leur non moins parfaite incapacité. Duroc de son côté ne trouvait personne sur qui se reposer, en son absence, de la direction de la Maison Impériale, et surtout de la conduite de l’Impératrice que l’Empereur, dans ses longues et lointaines campagnes, ne pouvait plus diriger comme il l’avait fait depuis son mariage.

Il est certain que l’influence que M. de Narbonne n’eût pas manqué de prendre sur l’Impératrice se serait marquée dans les destinées de la France. La Providence ne l’a pas permis, malgré le désir de Napoléon, les conseils de Duroc et l’agrément du prince de Schwarzenberg, ambassadeur d’Autriche. L’entourage de Marie-Louise s’était ligué pour écarter celui en qui