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manière que sur nous, genre d’illusion auquel nous sommes très enclins. Il faudra désormais mettre nos moyens mieux en rapport avec notre but, et pour cela, d’autres explications peut-être seront nécessaires. M. Ribot a annoncé qu’il les demanderait à la rentrée.


Une crise ministérielle a éclaté en Espagne ; mais elle ne modifiera pas beaucoup la politique du gouvernement. A un ministère conservateur succède, en effet, un ministère conservateur : le général Azcarraga prend la place de M. Maura. Il semble à première vue que l’Espagne pourrait faire l’économie de ces crises dont on ne comprend pas toujours très bien le sens, et encore moins l’intérêt à l’étranger.

M. Maura, par l’énergie de sa politique, avait provoqué contre lui des hostilités passionnées : il n’en a pas moins rendu de très réels services, et il sort du pouvoir plutôt grandi que diminué. L’incident qui a servi d’occasion à sa chute ne paraissait pas de nature à avoir de pareilles conséquences. Un dissentiment s’est élevé entre le ministre de la Guerre et le jeune roi Alphonse XIII sur le choix du chef de l’état-major général. Le ministre, général Linarès, proposait et voulait imposer le général Lofio ; le Roi voulait qu’on lui proposât, c’est-à-dire qu’il voulait imposer lui-même le général Polavieja. On s’est obstiné de part et d’autre. Le président du Conseil a pris parti pour le ministre de la Guerre et tout le cabinet a donné sa démission. Les conditions dans lesquelles cette crise s’est produite sont regrettables.

On trouvera sans doute que le Roi est encore bien jeune pour avoir une opinion aussi irréductible sur le meilleur chef d’état-major général. Peut-être aussi n’était-ce là qu’un prétexte, et le Roi a-t-il pensé que M. Maura s’était un peu usé dans les luttes qu’il a vaillamment soutenues. Quant au général Azcarraga, ce n’est pas la première fois qu’il a été président du Conseil, et il a laissé des bons souvenirs : toutefois il n’est pas un homme politique au même degré que M. Maura, et les cabinets qu’il préside, en ménageant aux partis une trêve qui a parfois des avantages, donnent l’impression d’une combinaison provisoire plutôt que d’une construction gouvernementale durable. Le choix du Roi a d’ailleurs été bien accueilli et a amené une détente : mais combien de temps durera-t-elle ?

Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
F. Brunetière.