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REVUE MUSICALE







Théâtre de l’Opéra : Tristan et Iseult de Richard Wagner.


La puissance, l’unité et la longueur, toutes les trois portées au comble, apparaissent de plus en plus comme les caractères principaux de l’exorbitant chef-d’œuvre qu’est Tristan. Et de ces trois élémens il n’est pas impossible que le dernier rebute longtemps encore la majorité d’un public français, et qu’il empêche l’ouvrage de prendre dans le répertoire de l’Opéra la place que Tannhäuser, Lohengrin et la Walkyrie elle-même ont fini par y conquérir.

Une scène dont la réputation, au point de vue de la durée, n’est plus à faire, c’est (à la fin du second acte) celle où le vieux roi Marke découvre et déplore la trahison d’Iseult, sa fiancée, et de son neveu Tristan. La découverte est brusque ; la « déploration » prend un temps considérable. Des choses nobles autant que froides y sont dites et redites à satiété. L’invraisemblance, la fausseté même de la situation dramatique n’a d’égale ici que la prolixité de la musique et sa monotonie. De la musique tout entière : un fastidieux récitatif est tantôt accompagné, tantôt interrompu par un orchestre invariable ; les plaintes étouffées de la clarinette basse et des violoncelles répondent aux mornes doléances de la voix ; et jamais dans l’œuvre entier de Wagner plus d’uniformité n’engendra plus d’ennui.

D’autres momens encore passent lentement. Nous ne parlons pas du dernier acte, où rien n’est de trop, tout y étant admirable. Et dans le premier, si développée que soit l’exposition du drame, faite par Iseult à sa fidèle Brangaene, elle abonde en mouvemens, en éclats de la voix et de l’orchestre, en accens, en touches expressives d’une force ou d’une finesse telle que l’intérêt s’en trouve sans cesse non seulement accru, mais renouvelé. Peu de scènes en outre font aussi bien