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l’Est, d’Estaing arriva dans la rade de Boston le 28 août. Il y trouva le César, qui s’était séparé de l’armée lors du premier départ de Rhode Island. Ce vaisseau, que commandait le comte de Broves, chef d’escadre, avait soutenu, le 16 août, un très violent combat contre l’Isis, de cinquante canons ; il était sur le point de s’en emparer, lorsque la roue de son gouvernail fut mise en pièces par un boulet ; il dut renoncer à la poursuite. Suivant les instructions antérieures, il avait gagné Boston. L’escadre française se trouvait de nouveau au complet.

A peine arrivé dans les eaux de Boston, d’Estaing fit preuve d’une étonnante activité. Craignant avec raison d’être poursuivi, il ne voulut pas être surpris. Un des bons mouillages de la rade de Boston est la baie de Quincy ; mais elle est commandée par l’île et la baie de Nantasket, situées plus à l’est. Aussi trois vaisseaux seulement, dont les réparations étaient urgentes, le Languedoc, le Marseillais et le Protecteur, mouillèrent à Quincy Bay[1] ; les neuf autres restèrent dans les eaux de Nantasket. Les frégates, retirées dans le port même, furent désarmées presque en entier ; équipages et matériel furent employés, en quelques heures, à l’armement d’un vaste camp retranché. On occupa les trois positions qui commandent Quincy Bay : la presqu’île de Hull, très effilée, qui forme la pointe occidentale de Nantasket, — l’île Georges, qui est occupée aujourd’hui par un fort puissant ; — l’île Lovell ; en arrière de celle-ci, l’île Gallop fut mise encore en état de défense. Bougainville, Broves, Chabert, d’Albert de Rions occupèrent ces diverses positions, toutes hérissées de mortiers et formant un ensemble très solide. Appuyés sur ces batteries, les neuf vaisseaux qui avaient le moins souffert étaient embossés en demi-cercle dans la rade de Nantasket ; du large, dit d’Estaing, ils présentaient « l’ordre le plus imposant. » Monté sur le César, l’amiral était prêt à répondre à une attaque.

Trois jours seulement après l’arrivée à Boston, le 31 août, quand ces préparatifs de défense se poursuivaient avec une activité fiévreuse, on signala au large l’escadre anglaise. Pour les Américains, assez disposés à tenir peu de compte des dangers courus par nos vaisseaux, ce n’était qu’un mirage. On vit bien le lendemain, 1er septembre, que c’était l’escadre de Howe, forte à présent de seize à dix-huit voiles, car elle avait été renforcée

  1. D’Estaing écrit King’s Road.