Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Londres ne servent pour ainsi dire que de pied-à-terre à leurs possesseurs) fait cependant du Club, au point de vue matériel, une nécessité. On peut y venir en passant, à l’improviste, et, si l’on ne veut pas encore ouvrir sa maison, y inviter à dîner avec moins de dérangement que chez soi.

Or la vie de Paris, devenue quelque peu cosmopolite, n’est pas sans ressembler parfois à la vie de Londres. Et il y aurait pour les femmes qui travaillent d’inappréciables avantages dans tous les pays civilisés à posséder un Lyceum, tranquille, sérieux, étranger à l’esprit de coterie. Mais de trente clubs rivaux, que le ciel nous préserve ! Ce serait la fin des salons que nous ne voulons pas croire à tout jamais morts et enterrés. Tâchons de ne rien perdre de ce qui est à nous, tout en profitant dans une juste mesure de l’exemple des autres. Du reste il n’y a pas de raison pour que les clubs se multiplient à Paris ; la Parisienne est la créature du monde qui redoute le moins l’ennui ; et c’est la crainte de l’ennui qui crée la plupart des clubs. On se rassemble contre cet ennemi-là.

L’erreur serait grande de se figurer les clubs féminins de Londres comme autant de repaires de bas bleus : il y en a qui sont tout le contraire, créés en vue des sports, des voyages, etc., par exemple le New Vagabond Club, le Golf Club, le Traveller’s Club, — ce dernier dans Saint James Court, une sorte de patio espagnol, avec fontaine au milieu, et tout autour de jolies maisons à pignons, ornées d’émaux et de faïences, un décor méridional encadrant ce qu’on appelle la Maison de la Reine, qui devrait, vu sa dimension, s’appeler plutôt Maison de Poupée, la coquille infiniment élégante d’un petit club consacré au loisir, sans intentions utiles. Les pièces sont décorées à la française, ses membres se plaisent à le dire, en me montrant les boiseries Louis XV, les tentures Pompadour. Seule la bibliothèque rappelle que nous sommes chez des voyageuses ; une haute frise y représente des navires ballottés par les flots. Chaque semaine une causerie sans prétention fait voyager ces dames dans leur fauteuil. En parlant d’ascensions ou de traversées, on est toujours sûr d’exciter un vif intérêt. Toutes les Anglaises sont au fait des questions géographiques et se passionnent pour la politique de conquête. Les récens événemens du Thibet, l’entrée du colonel Younghusband à Lhassa sont loin de les trouver indifférentes. Et elles admettent très bien que leur sexe prenne part à