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enceinte, toutes les espèces étalent leurs couleurs, exhalent leurs parfums. L’heure du grand épanouissement est passée, mais on ne peut s’empêcher cependant de songer à un coin du fabuleux Paradou. Plus loin, après que l’on a côtoyé d’énormes massifs de rhododendrons, sur un espace découvert, l’odorat est tout à coup frappé par d’autres senteurs pénétrantes et comme épicées, celles du thym, de la sauge, de la lavande, du romarin, de tous les simples, de toutes les herbes que peuvent réclamer la cuisine et la pharmacie.

Et quels arbres ! Une compagnie d’ormes centenaires ; le chêne planté en 1832 par la reine Victoria, jardinière émérite elle-même ; enfin la fameuse rangée de tilleuls, qui étendent d’un geste si ample leurs membres énormes savamment recourbés ; c’est à droite et à gauche comme un dais prolongé de verdure ; on dirait une double avenue. A l’ombre de ces géans se promenait Elisabeth lorsqu’un messager vint lui annoncer la mort de Marie et saluer en elle la reine. Il est vrai que la même tradition s’attache au parc de Heathfield.

Les ifs qui montent la garde devant le château sont presque aussi anciens que ces tilleuls du temps des Tudors. Ils marquent l’entrée de la salle de spectacle. Nous nous reposons au retour dans une loggia extérieure où un vélum de toile de Perse offre son abri à d’innombrables nids d’hirondelles. Quelqu’un me demande s’il est vrai que l’on ait la cruauté en France de manger ces jolis oiseaux. Légende qui fait le pendant de celle à laquelle nous devons le surnom de mangeurs de grenouilles. Combien d’autres seraient à détruire quand il s’agit des Français ! Il est vrai que, faute de savoir ou de comprendre, nous usons souvent des mêmes calomnies à l’égard de nos voisins.


III. — CLUBS DE FEMMES. — PROFESSIONS FÉMININES

A Londres j’habite mon club, le Lyceum, récemment fondé et où, comme dans les clubs d’hommes, un certain nombre de chambres à coucher sont assurées aux membres. A première vue, il ne semblait pas que la création d’un nouveau club féminin fût précisément nécessaire dans une ville qui en compte déjà une trentaine. Mais celui-ci a un caractère particulier : il est international et sert de centre aux femmes de tous pays s’occupant de littérature, de science ou d’art.