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d’autrefois, dahlias, œillets de poète, mauves, pensées, pois de senteur, pieds-d’alouette, réséda, mêlent leurs arômes sans prétention. L’utile et l’agréable fraternisent, et tout cela est bien symbolique de la vie anglaise. Les engrais, les instrumens aratoires, disparaissent derrière de hautes murailles de buis taillé. Partout se manifestent un ordre méticuleux, des soins raffinés. Sur les couches de fraisiers sont jetés des filets pour tenir les merles en échec ; il est vrai que le merle, plus rusé que le jardinier, se glisse souvent sous le filet protecteur, bien assuré qu’on le délivrera quand il sera repu. On n’aurait garde de se priver de la chanson de ces impudens maraudeurs et de leurs ébats familiers sur les pelouses.

Le conservatisme anglais ne détruit rien, se sert de tout ; il n’est pas jusqu’aux pommiers morts, réduits à l’état de squelettes, qu’on n’emploie à faire grimper le red rambler, cette petite rose rouge si recherchée pour la décoration de la table ; elle se suspend, légère, aux rameaux desséchés, leur prête l’incarnat de la jeunesse et un feuillage tout neuf. Il grimpe aussi, le red rambler, parmi les clématites et le jasmin qui tapissent la maison ; celle-ci est à l’intérieur spacieuse et confortable, sans faste, sauf le grand nombre des tableaux de maîtres italiens et allemands. M. Humphry Ward, grand amateur de peinture, se plaît à rassembler chez lui de belles choses. Il le fait avec la compétence reconnue d’un critique d’art. Son dernier livre sur Romney ne tardera pas à se répandre en France, ne fût-ce qu’à cause des précieuses illustrations qu’il renferme. La partie absolument nouvelle de l’ouvrage est la transcription du cahier des séances du peintre avec les noms de ses modèles, les prix payés et une quantité de détails inédits. Je crois que les mêmes renseignemens ont été fournis sur Reynolds, mais le livre de Romney est plus complet.

Avant de quitter Stocks pour retourner en ville, selon l’agréable habitude de la saison où nous sommes qui fait alterner les séjours à Londres et les fréquentes visites aux environs, regardons le décor du village que l’on croirait planté dans la verdure, uniquement pour le plaisir des yeux, avec la haute tour de sa vieille église enrichie de tombes seigneuriales, ses cottages fleuris dont quelques-uns sont anciens, à pignons en saillie ou à poutres apparentes, tous donnant l’idée du bien-être. Le plus grand des bâtimens est un club. Point de cabarets,