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prochaîne entre elle et le Duc d’Angoulême, il ne pouvait supposer qu’elle ne se montrerait pas aussi impatiente que lui d’un rapprochement avec son cousin. C’est cependant ce qui arriva. A peine avertie des desseins de son oncle, s’inspirant de l’esprit de décision qui la caractérisait, elle lui exposa sans ambages les inconvéniens que présenterait, à son avis, la visite du Duc d’Angoulême.

«… Vous désirez que mon cousin vienne incognito ; c’est bien difficile, pour ne pas dire impossible. A la Cour, rien n’est mystère et on sait toutes les personnes qui viennent me voir. D’un autre côté, si l’on sait qui il est et que l’Empereur ne le traite pas avec les honneurs qui lui sont dus, il commet une grossièreté et la faute retombe sur moi qui en suis cependant la cause innocente. Et puis, si j’ose le dire, il me paraît encore que quand on se voit comme cela, il faut que le mariage soit bien prochain et je crois que vous ne pensez pas au mien avant que la paix soit faite et toutes les affaires arrangées, ce qui sûrement durera jusqu’à l’hiver. Toute réflexion faite, il me paraît, quelque désir et empressement que j’aie de voir mon cousin, qu’il vaut mieux rester tranquille et attendre comment les choses s’arrangeront. Si l’Empereur s’intéresse à nous, il doit s’occuper de vous dans sa paix et si j’ose le dire de moi aussi. Si la paix vraiment est faite, elle doit être bientôt déclarée. Si elle n’est pas faite, je crois que votre dessein est d’envoyer mon cousin à l’armée de Condé. Que nous servirait alors de nous connaître ? Je suis persuadée de tout le bien que vous en dites, mais je crois qu’il faut attendre encore avec patience, la position actuelle ne peut durer longtemps. Les affaires doivent bientôt s’éclaircir tant en France qu’ici. Alors, quand j’aurai le bonheur de vous être réunie, j’aurai celui aussi de renouveler la connaissance de mon cousin dont je me souviens encore, quoiqu’il y ait près de huit ans que je ne l’ai vu. Je ne doute pas que depuis, l’école du malheur et la bonne éducation qu’il a reçue de M. de Sérent n’aient contribué à le rendre aussi bien qu’on le dit.

« Je vous demande pardon, mon très cher oncle, de toutes ces réflexions, mais la tendresse que j’ai pour vous et pour ma famille me font parler avec franchise quand il s’agit de leurs intérêts. »

Malgré ces raisons, et encore qu’il en eût reconnu la sagesse et ne pût les désapprouver, le Roi ne se tint pas pour battu. « Ce