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procurer à cet effet un asile plus sûr que ne l’était Blanckenberg, d’où le roi de Prusse pouvait à tout instant l’expulser. Il s’était adressé au tsar Paul 1er dont il connaissait l’intérêt pour sa cause. Des pourparlers engagés entre ce souverain et lui allait sortir l’offre qui lui fut faite quelques jours plus tard de la ville de Yever en Westphalie. Mais, cette offre ne lui était pas encore parvenue à la date du 21 juin, et la lettre que, ce même jour, il écrivait au Comte d’Artois témoigne de ses anxiétés quant à la question de savoir où il se réfugierait s’il était contraint de quitter Blanckenberg.

«… Je réponds actuellement à la grande question ubi relativement au mariage de nos enfans. Ce ne peut certainement pas être ici : la seule idée d’un pareil forfait ferait évanouir le très poli, mais encore plus craintif souverain qui ferme les yeux sur mon séjour dans ses Etats, et cependant je n’ai pas d’autre asile, et si un événement quelconque m’obligeait d’en sortir, je ne sais, à la lettre, où je pourrais reposer ma tête, encore bien moins où je pourrais dresser un lit nuptial. Ubi igitur ? me demanderas-tu donc encore ? Je ne puis franchement te donner en réponse que des aperçus. Ce ne seront point les belles phrases de l’hospitalité, de la générosité, jargon qu’on n’entend plus, quoiqu’il frappe encore les oreilles ; voici ce que je puis te dire et que je suis bien loin de regarder encore comme positif.

« Sans mettre Paul sur la même ligne que sa mère, il faut pourtant convenir que, de tous les souverains, c’est le seul qui ait conservé de l’honneur. Il a de la fierté et de la sensibilité. L’une l’a porté à me traiter de Roi, l’autre a ému son âme en faveur d’une union que je dirais encore, n’y fussions-nous pour rien, qui sera la plus intéressante qu’on ait jamais vue. C’est sur lui que porte ma petite espérance pour avoir un asile.

« D’un autre côté, l’évêque de Nancy mande qu’il sait de bonne part que l’Empereur travaille de lui-même à m’en faire avoir un : C’est un écoute s’il pleut, et si on me l’offrait, il faudrait encore me dire : Timeo Danaos. Cependant, il est possible que ce grillon ait par hasard un mouvement de pudeur, et il faut le voir venir. Mais je compte plus sur ce qui pourra venir de Russie, que sur ce qui viendrait de Vienne. »

En attendant une solution sur un point aussi important pour lui, le Roi ne renonçait pas à procurer à son neveu et à sa nièce l’occasion de se voir. L’entrevue qu’il souhaitait n’ayant pu avoir