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tous ces Français, que je serais bien fâchée d’en voir un seul, mais que cependant je désire extrêmement de retourner à Vienne à la campagne et rester tranquille sans voir personne que de rester ici par toutes les raisons que je vous ai alléguées seulement jusqu’à ce que mon sort soit décidé. Je me fie, mon très cher oncle, à l’amitié que vous voulez bien me témoigner et au désir que vous avez de me rendre heureuse et ne doute pas par ces raisons que vous n’écoutiez avec bonté les réflexions que j’ai pris la liberté de vous faire. »

Le Roi reconnut le bien fondé des motifs allégués par sa nièce et s’y rendit sans hésiter :

« Je suis touché de la confiance que vous me témoignez ; c’est une preuve de votre tendresse pour moi, et vous savez que je n’ai pas de plus douce consolation au monde. Lorsque j’ai pensé que le séjour de Prague vous serait plus agréable que celui de Vienne, j’ignorais entièrement l’état de la santé de Mme l’archiduchesse Marie-Anne. A Dieu ne plaise que je vous expose jamais sciemment à aucun danger, et je suis plus payé qu’un autre pour craindre pour vous celui du mal de poitrine, puisque j’en ai vu mourir successivement sous mes yeux l’aîné de mes frères, mon père, ma mère et ma grand’mère. J’abandonne donc entièrement cette idée. Fasse le ciel que l’asile de Schoenbrun soit respecté et que vous n’y aperceviez jamais aucun de ceux que vous redoutez avec tant de raison de voir ! Je vous avoue que tout en cédant à vos raisons, je ne suis pas tout à fait tranquille sur ce point : mais ce sera pour moi un motif de plus, dont à la vérité je n’avais aucun besoin, de hâter l’instant qui doit combler tous mes vœux. Pour y parvenir plus vite, je travaille à faire régler vos intérêts. Sans doute la présence de la personne pour qui l’on traite est en général un grand moyen de succès : mais pouvez-vous craindre d’être jamais rangée dans la liasse des absens ? Ce n’est pas parce que vous êtes mon enfant, parce que je vois en vous l’unique reste des biens que j’ai perdus, parce que le ciel ne semble vous avoir privée de vos parens que pour me faire devenir père, me fussiez-vous étrangère, je verrais encore en vous la personne la plus intéressante de l’univers, et l’Empereur vous a donné des marques trop touchantes de son amitié, pour que je puisse jamais craindre qu’il les démente.

« Après vous avoir rassurée sur ce point, je dois vous avouer