Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/132

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

désir. De nouveau cette fois, elle n’approuva pas le conseil qu’il lui donnait et ne craignit pas de le lui avouer. Elle lui était reconnaissante de la bonté qu’il avait eue de penser à sa situation. Mais cette même bonté la portait à lui parler toujours avec confiance :

« Vous désirez que je reste à Prague auprès de l’archiduchesse Marie-Anne pour ne pas voir les Français qui peuvent venir à Vienne. Vous avez raison. Je serais au désespoir de voir ces gens-là ; mais cependant j’ose vous représenter que, si je retourne à Vienne, ce n’est pas pour rester en ville, mais pour aller à la campagne, où je ne vois personne et encore moins ces gens-là ; il me paraît donc qu’il n’y aurait aucun inconvénient à cela. Je vous dirai encore que puisque vous voulez bien vous intéresser à ce que l’Empereur fasse quelque chose pour moi, pour mon avenir, là, étant près de lui, il y a plus de moyens qu’il y pense. Eloignée, on oublie souvent les gens ; je pourrais bien être de ce nombre. Voilà la raison que j’ose vous alléguer pour mon retour.

« Quant à rester à Prague, je sens vivement tout le prix de la bonté qui vous fait désirer que j’y reste, mais vous ne connaissez pas ma position ici ; je sais que vous ne voulez que mon bien, vous m’en donnez des preuves, ainsi je ne crains pas de vous déplaire en vous parlant avec liberté.

« J’aime assurément bien ma cousine Marie-Anne, mais je ne sais si vous savez l’état où elle est. Elle a la poitrine attaquée, est malade depuis plusieurs années, enfin est réduite à prendre le lait de femme. J’avoue que si je reste ici, je dois être continuellement avec elle, et d’être avec une personne qui est dans cet état, je suis sûre que cela me ferait du mal. Je sens que c’est une faiblesse de craindre cette maladie, mais je ne peux pas me vaincre là-dessus, et tout le monde ici trouve mon appréhension bien fondée. Du reste, ma cousine me témoigne beaucoup d’amitié, mais si je restais ici, je serais obligée de vivre à ses frais ; je ne sais si cela lui conviendrait. Je vous ajouterai encore que Mme de Chanclos est obligée de retourner à Vienne avec l’archiduchesse Amélie ; je craindrais même qu’elle ne revienne plus ; ce serait un grand chagrin pour moi de perdre la seule personne ici qui a ma confiance et à qui je dois beaucoup. Voilà toutes les réflexions que j’ose vous faire ; j’espère que vous les agréerez. Je finis par vous déclarer encore que je déteste